20120127

Master Marathon Queen-A Day at the Races 1976



    Il n'était pas évident de succèder à A Night at the Opera, pourtant Queen sort en 1976 un album qui se veut sa suite directe. A Day at the Races récupère également son titre chez les Marx Brothers.


                                                     A Day at the Races.

   La couverture est la version négative de son prédecesseur, les armes du groupes y sont légèrement différentes, moins stylisées avec un côté assez art-nouveau. La flamboyance de la nuit à l'opéra semble céder place à quelque chose de plus sombre. En réalité l'album n'a rien d'obscur ou négatif, il est simplement plus initmiste et personnel.
  Tie Your Mother Down ouvre l'album sur une intro volontairement pompeuse puis par un son vibrant et redondant avant de se lancer dans un hard-rock teinté de blues au riff difficilement résistible. La chanson, plutôt directe et aggressive (non sans humour) est de Brian May, mais c'est Freddie Mercury qui déclame ici les intentions peu louables d'un narrateur embarassé par la famille de sa nouvelle conquête. La chanson aura un succès certain, elle sera un point d'orgue des concerts du groupe à l'avenir.
   You Take my Breath Away semble vouloir exprimer tout l'inverse, il s'agit là d'une déclaration extatique, un morceau intimiste où domine le piano. La guitare de May vient se poser sur la fin de la chanson en accompagnant la complainte un peu appuyée de Mercury.
   Long Away est une nouvelle chanson de Brian May accompagné des désormais traditionnels choeurs à trois voix. Elle rappelle ses ballades sur Queen I et II, proche de Some Day One Day par exemple, mais exécutée avec un nouveau savoir-faire. Elle est assez représentative de l'ambiance de cet album, chaleureuse et entrainante.
   Enfin, l'excentricité n'est pas jetée aux oubliettes pour autant, puisque les premières notes de piano de The Millionaire Waltz viennent nous le rappeler. Comme son nom l'indique judicieusement, il s'agit bel et bien d'une valse. Le piano et la guitare y fusionnent agréablement, virevoltant avec aisance tout au long d'un morceau largement porté par un Freddie Mercury passant du rire au larme au gré des rebondissements de l'histoire d'amour qu'il nous conte. On retrouve pas mal d'éléments de Bohemian Rhapsody dans cette chanson, même si le morceau est plus léger.
   You and I conforte cette idée d'album plus intimiste. C'est une ballade de John Deacon, sincère et simple comme il sait souvent le faire. Freddie Mercury en est l'interprète, avec plus de retenue qu'à l'accoutûmée. Les compositions du bassiste peuvent parfois sembler en retrait, à sa propre image, au sein du groupe, elles sont souvent plus conventionnelles a-priori, mais apportent une touche de nuance au milieu de certaines excentricités. Nous verrons par ailleurs qu'il n'en sera pas toujours ainsi à l'évenir puisque le discret bassiste nous offrira certains des plus grands succès du groupe.
   Somebody to Love incarne tout à fait ce mélange d'intimité et d'extravagance qui caractérise l'album. Elle commence comme une chanson douce-amère au piano. A mesure qu'elle progresse, les choeurs font leur entrée, pour faire du morceau un sensationnel gospel égoïste. Cette chanson sera celle qui portera l'album au succès. Au même titre que Bohemian Rhapsody à laquelle elle est souvent comparée, elle est emblématique du groupe, du moins pour cette période, absolument incontournable dans les concerts de l'époque, et, surtout, elle illustre le talent de composition et d'interprétation des Queen. C'est un morceau qui ne s'embarasse pas le moins du monde de modestie mais qui n'oublie pas de garder une dimension humoristique.
   White Man est une chanson embarassante. Formellement il s'agit d'un hard-rock aussi classique qu'efficace, déterminé, teinté de blues et admirablement chanté. Pourquoi embarassant ? Bon, et bien Queen n'a jamais été un groupe engagé, du moins pas vraiment dans ses textes. Ici pourtant Brian May évoque le massacre des Amérindiens par les colons en Amérique du Nord...avec pas mal de naïveté et de maladresse. Le theme est similaire au Run to the Hills de Iron Maiden qui paraîtra six ans plus tard, et s'il est juste, les paroles n'apportent pas vraiment de nouvel éclairage sur le sujet. Ce n'est pas non plus ce qu'on attend de Queen, donner des leçons n'est pas du tout leur domaine, on peut donc facilement pardonner un peu de naïveté, d'autant que mélodiquement le morceau est vraiment réussi. Il reprend des éléments de  The Prophet's Song sur l'album précédent mais ne s'encombre plus d'effets spéciaux inutiles.
   Good Old Fashioned Lover Boy est une composition classique de Freddie Mercury. Empruntant au music-hall qui lui est si cher, il dresse le portrait d'un séducteur aussi motivé que désuet. Il y évoque une galanterie surannée mais très attachante. Le morceau rappelle les Lazing on a Sunday Afternoon, Seaside Rendezvous tout autant que les Beatles (Paul McCartney et son Honey Pie par exemple). C'est une chanson particulièrement réussie, surtout si on aime les haut-de-formes et queues de pie.
  Drowse est une composition de Roger Taylor et c'est le batteur lui même qui en chante les paroles, bien qu'accompagné du choeur. Encore une fois, et avec une forte empreinte de nostalgie, il y évoque l'adolescence, ses colères et ses tristesses, son ambition et ses errances. Ce sujet à beau revenir de façon inquiétante chez le batteur, la chanson n'en reste pas moins assez poignante par sa sincérité.
   Teo Torriatte (Let Us Cling Together) parle d'amour fraternel, dans l'adversité comme dans le temps. C'est une chanson de Brian May qui rend hommage aux fans du groupe, et parmi les plus fidèles, le public japonais ! Le groupe a en effet explosé au Japon de façon fulgurante et avec une démesure propre à ce pays. Pour la peine, Freddie Mercury chante le refrain en Japonais. Les choeurs y sont à nouveau démultipliés pour offrir une conclusion d'ampleur à l'album. La toute fin du morceau consiste en une reprise du son vrillé et oscillant du premier morceau, bouclant ainsi la course.



   Alors oui, donner une suite à A Night at the Opera pouvait semble être une mauvaise idée, la comparaison serait inévitable et on pourrait se demander si le groupe ne cherchait pas simplement à exploiter le succès commercial encore récent de Bohemian Rhapsody. Pourtant ça marche. Ca marche car bien qu'étant une suite, A Day at the Races a sa propre identité et sa propre ambiance. Il est parfois considéré comme la face sombre de son prédecesseur, c'est un peu vrai dans la mesure ou ses compositions sont parfois assez proches des deux premiers albums du groupes où il apparaissait une certaine "fantaisie sombre". A Day at the Races met surtout l'accent sur la part intime de Queen dont les membres semblent se livrer bien plus qu'auparavant au travers de leur textes. En alternant d'une chanson à l'autre entre extravagance et intimité, l'album révèle à demi mots, les coulisses de l'Opéra et c'est en cela qu'il peut trôner sans honte aux côtés de son grand frère.


Important, personne ne joue de synthétiseur sur cet album, et pas de moustache non plus pour Freddie Mercury.

20120124

Master Marathon Queen-A Night at the Opera 1975


Il fallait bien que ce moment arrive, parlons en donc.


                A Night at the Opera.



      Difficile de s'atteler à la tâche consistant à traiter de cet album. Tout semble avoir été dit à son sujet,  l'ambition qui l'animait (il fut à l'époque l'album le plus cher jamais enregistré), le soutien indédit qu'il reçut grâce à l'utilisation de la vidéo pour promouvoir son monstrueux single Bohemian Rhapsody (enfin), l'extravagance de ses compositions, le simple fait de parler de cet album est en soi un exercice classique. Pourtant, votre zombie ne rechigne pas et se lance, n'écoutant que son courage, dans la rédaction de son article.
     Death on Two Legs (Deticated to...) tient lieu d'ouverture. Revanchard et amer, la chanson est une attaque dirigée contre l'ancien manager du groupe même si son nom n'est jamais cité. Le morceau commence par un piano brumeux et inquiétant rapidement couvert par une montée de guitares non moins menaçantes. Sur un mode proche du music-hall, la chanson se poursuit alors, Freddie Mercury couvrant le sujet de la chanson d'insultes fort inventives accompagné par un piano énergique. Le ton malveillant de la chanson est contrebalancé par son humour grinçant et l'élégance formelle du morceau. Celui-ci, comme presque tous les morceaux de l'album, s'enchaîne directement avec le titre suivant.
   Lazing on a Sunday Afternoon nous ramène à l'époque des chanteurs de music-hall des années 20. Le son y est proche de celui d'un gramophone, il aurait été enregistré en faisant passer la piste de voix à travers un casque, placé dans un seau en métal pour créér une illusion de résonnance et de qualité altérée. La voix de Mercury ressort donc comme celle des Comedian Harmonists http://youtu.be/eVfH8li3GpE, complètement désuète et extrêmement manièrée.
  I'm in Love With my Car est totalement différente, la chanson s'enchaîne pourtant parfaitement avec la précédente. Il s'agit d'un hard-rock rugueux, oeuvre de Roger Taylor qui chante ici les amours contrariées d'un homme et de sa voiture. Encore une fois, le batteur joue avec un thème très rock'n'roll et très adolescent, ce qui est loin d'être incompatible. On ne sait guère quel est le degré de dérision dans les paroles tant elle prètent à sourire. 
   You're my Best Friend concerne une relation plus traditionnelle puisqu'elle est la déclaration de John Deacon à sa femme. Comme le bassiste a toujours précisé que sa voix était horrible, il laisse à Freddie Mercury le soin de prèter la sienne à la chanson, accompagné par un orgue electrique au son un peu daté. Il s'agit d'une balade assez fraîche et un peu naïve quoique efficace. La chanson sera d'ailleurs le premier single à succès de John Deacon, classé au top10. Ce ne sera pas son dernier, nous le verrons plus tard.
   '39 est un morceau de skiffle de Brian May. Le skiffle est en fait une sorte de country-folk très populaire dans les années 50 et particulièrement en Angleterre, les futurs Beatles s'y frotteront d'ailleurs. Caractérisé par des instruments bricolés ou bon marché, le genre est ici utilisé par le guitariste pour conter une curieuse histoire de paradoxe temporel et de voyage dans l'espace. Les protagonistes de la chanson s'embarquent en effet pour un voyage spatial qui leur semble durer un an mais dont ils ne reviennent qu'au bout d'une centaine d'années terrestres. Ce thème de science-fiction est un choix tout à fait propre à Brian May, passionné d'astrophysique. Il soutiendra en 2007 sa thèse de doctorat en astrophysique : "Vitesses radiales dans le nuage de poussière zodiacal." Le titre curieux est dû au fait que cette chanson n'est autre que la 39e à figurer sur un album de Queen.
   Sweet Lady est le morceau suivant, il s'agit d'un hard-rock élégant, à la rythmique complexe et évolutive. Le qualificatif "acide" est soouvent employé au cours de ce Master Marathon, cette chanson exprime tout à fait cette idée. Il y a beaucoup d'inventivité dans ce morceau très efficace et attachant qui se termine à un tempo nettement accéléré, proche du rythme de Tie Your Mother Down, grand succès de l'album suivant.
  Seaside Rendezvous arrive ensuite, opérant encore une fois un retour dans le passé. La musique est d'un genre proche du ragtime ou du dixieland très Nouvelle-Orléans. Les cuivres de l'orchestre sont certes joués à la bouche, ils n'en restent pas moins accrocheurs et l'emploi de multiples expression françaises plus ou moins appropriées ("C'est la vie Madame et Messieurs !") conforte cette ambiance de bastringue. Les paroles sont volontairement désuettes, au vocabulaire soigneusement choisi pour sonner "old fashioned" (ah oui...). La voix de Mercury cabotine dans les aigus avec délices. Ce morceau très réussi prouve que le groupe a décidé d'assumer pleinement ses choix et prend plaisir à nous offrir des pièces bien éloignées de ce qu'on attend d'un groupe prétendument hard-rock.
   The Prophet's Song est une chanson de Brian May, il en chante d'ailleurs l'introduction. C'est le morceau le plus long que le groupe publiera sur un album. Il se compose de plusieurs parties distinctes qui s'articulent dans une ambiance de déluge. Le chant de Mercury y est celui d'un prédicateur plutôt halluciné, du genre qui a la bave aux lèvres et rappelle encore un peu les morceaux aggressifs et arrogants des premiers albums. Cette chanson marquera surtout par l'usage limite abusif des multi-pistes. Le chant de Freddie Mercury, puis des choeurs composé des trois membres, est démultiplié pour créer un effet hypnotique de réverbération. Cette partie ne semble pas en finir et on a un peu l'impression que le groupe vient de découvrir un nouvel effet, exploité jusqu'à la limite du supportable. Peut-être que cela était impressionnant au moment de la sortie, de nos jours cette surenchère prète un peu à sourire. Néanmoins, et avec culot, Brian May nous balance, dés les effets spéciaux terminés, un de ses tous meilleurs solos !
  Love of My Life est le calme après la tempête, littéralement. Chantée par un Freddie Mercury extatique sur une guitare sèche et une harpe de Brian May, la chanson s'adresse autant à la compagne (oui) du chanteur, qu'à ses fans. Elle sera toujours un grand moments des concerts du groupe, transformée en duo entre le chanteur et le public qui finira par en chanter la majorité des paroles. Si d'autres chansons du groupe raillent parfois la mièvrerie des rapports amoureux, ici la sincérité est de mise avec une délicatesse indéniable.
   Good Company est un autre morceau de type skiffle, dominé par le ukulele-banjo de Brian May. Avec ironie, il chante les mésaventures d'un homme pourtant averti par son père des dangers de l'existence, et qui finit par commettre les mêmes erreurs que son aïeul, terminant comme lui à fumer la pipe avec des enfants sur les genoux, amer et désabusé.  Malgré toutes ses qualités réelles, le morceau souffre d'un grave défaut, il se trouve juste avant celui qui a dévoré petit à petit tout le reste de l'album par sa gandiloquence et son succès aussi inatendu que total.
    
   Bohemian Rhapsody. Ce titre pourrait résumer l'album autant que la carrière du groupe. A sa création seul Freddie Mercury semblait le défendre corps et âme car une telle exentricité laissait pas mal de monde perplexe, membres du groupe compris. A présent qu'en reste-t-il ? 5'51. Trop long pour en faire un single, et pourtant ! Le morceau commence par une intro a-capella, brumeuse et onirique, Freddie Mercury chante ses malheurs, en alternance avec une assemblée constituée de sa propre voix et de celles de May et Taylor, multipliées en un choeur nettement mieux rendu que sur The Prophet's Song. Arrivent ensuite le piano puis la basse. Freddie Mercury alterne entre suppliques éplorées à sa Mama et determination inflexible quant à sa volonté de faire face à la réalité. Au comble de sa peine, il avoue son souhait de ne jamais être né et, semblant ne plus en pouvoir, cède sa place à un solo ciselé de Brian May. Emplie de mélancolie, cette partie pousse volontairement le pathos, décrivant un déchirement total, une sorte de peine adolescente dans son expression la plus criante, pour mieux nous mener à la suite : l'opéra ! La surprise pour celui qui n'a jamais entendu la chanson est totale (en reste-t-il seulement ?), la guitare se tait et fait place à un majestueux piano. Le choeur revient, mais cette fois il dialogue avec le narrateur, l'oppressant lorsqu'il veut fuir, l'accablant lorsqu'il se défend, se riant de lui dans un éclat de "gallileo" et de "bismillah" inopinés. Belzebuth s'invite même aux accusateurs pour peser encore dans le procès qui est fait au personnage de la chanson. Les interventions du choeur sont empruntées au folklore de l'opéra, extravagantes et teintées d'un italien de pacotille. Malgré tout l'humour présent dans cette partie, elle est executée avec une rigueur millimètrée. Freddie Mercury a travaillée sur ces 1'15 environ pendant des semaines entières, remaniant les arragements, ajoutant des "mama mia", coupant de la bande à la taille d'autant de confettis qu'il estimait nécessaire à l'élaboration de son oeuvre et ruinant la patience des ingénieurs du son et des autres membres du groupe. S'enchaîne ensuite une nouvelle partie, un hard-rock colérique et sans concession. L'heure n'est plus à la pleurnicherie ni au simagrées, la mélancolie s'est muée en pure résolution, le narrateur n'a plus peur du conflit et le fait savoir. Combien de personnes dans le monde oscillera violemment de la tête en écoutant ce passage ? Si des études statistiques sur la relation entre écoute de Bohemian Rhapsody et douleurs cervicales étaient publiées, les résultats devraient en être édifiants ! La colère s'atténue pourtant bien vite, cèdant la place à un apaisement et à une sérénité retrouvée. La voix de Mercury redevient délicate jusqu'au murmure et au gong final.
  L'impact de cette chanson sera décisif, elle deviendra très vite et pour longtemps un classique ultime, non seulement du groupe mais aussi du rock dans son ensemble. Elle sera régulièrement citée comme meilleure chanson de tous les temps dans de nombreux classements en concurence avec des A Day in the Life des Beatles, des Stairway to Heaven de Led Zeppelin ou des Freebird de Lynyrd Skynyrd. Elle fait de Queen un groupe majeur avec lequel il faudra désormais compter. Elle sera aussi malheureusement un piège, le groupe peinant à réitérer un tel exploit, si bien commercial qu'artistique.
   God Save the Queen, l'hymne de la Grande-Bretagne conclut l'album. Difficile d'imaginer plus forte conclusion que Bohemian Rhapsody, il fallait au moins ça pour terminer dignement. Brian May l'interprète à l'aide de sa Red Special, sa guitare bricolée, accompagné par la batterie puissante de Roger Taylor. C'est une conclusion arrogante, ironique, majestueuse et décalée, à l'image de l'album.

  A Night at the Opera est l'album qui consacrera Queen comme un groupe incontournable. Les compositions sont travaillées à l'extrême et parfois même au-delà mais conservent toujours une part importante de sincérité et d'humour. Revenant constamment dans les classements type "Quel album emmeneriez-vous sur une île déserte ?" (une île déserte avec l'electricité et un équipement adéquat), il est urgent de le découvrir dans son intégralité, sa chanson phare Bohemian Rhapsody ne devant pas éclipser ses nombreux autres trésors. Le groupe a déjà exprimé son originalité et sa créativité sur Sheer Heart Attack, il confirme ici les espoirs (ou les réticences) qu'avaient soulevé ses précédents travaux. La suite en deviendra dés lors périlleuse, le groupe tentera de se porter chance en choisissant de nouveau, pour l'album suivant, un titre de film des Marx Brothers.


   Important : Personne ne joue de synthétiseur sur cet album, et Freddie Mercury ne porte pas de moustache.

20120123

Master Marathon Queen-Sheer Heart Attack 1974



L'année 1974 nous procure le troisième album de Queen, au titre flamboyant :


                          Sheer Heart Attack.


    L'album parait en 1974 et la couverture nous offre un spectacle inoubliable : les quatre membres du groupe y apparaissent luisants de sueur, entremêlés et pour certains à peine vêtus. N'est-ce pas d'un goût tout à fait exquis ? Néanmoins, il faut se méfier de cette image d'une esthétique discutable car il se peut bien que cet album soit parmi les plus réussis du groupe et même un excellent album de rock tout court !

   Brighton Rock ouvre les hostilités, son ambiance est celle des fêtes foraines qui peuplent les jetées anglaises dés les beaux jours venus. La chanson commence avec la musique de manèges, d'éclats de rire et de bruits de fête pour partir sur un riff de guitare digne de montagnes russes, plein de montées vertigineuses et de descentes brutales. Freddie Mercury n'est pas en reste puisqu'il passe en un clin d'oeil d'une voix de fausset qui vous vrille les tympans à un ton nettement plus viril, incarnant tour à tour les deux amoureux échaudés de la chanson. Un solo brillant occupe le milieu de la chanson, nous faisant trépigner d'impatience lorsque s'annonce le retour tonitruant du chanteur pour la conclusion ironique et acide de ce flirt d'un jour.

   Killer Queen déboule sans prévenir, Brighton Rock résonne encore que les claquements de doigts caractéristiques de ce morceau annoncent la couleur. Toute en retenue et avec une réelle virtuosité, Freddie Mercury nous dresse le portrait d'une prostituée de luxe (est-ce bien une femme d'ailleurs ?). Cette chanson sera le premier morceau du groupe à se classer si haut (2e) dans les charts anglais. Le piano retro et affecté  de Freddie Mercury, accompagné des fameuses guitares acidulées de Brian May, donnent à ce morceau une efficacité imparable. A l'image de cet album, c'est une chanson décalée et intelligente, raffinée et bien écrite. Queen se montrera rarement aussi subtil à l'avenir.

   Tenement Funster est un morceau de Roger Taylor (fini le Meddows si classe), il chante sur un theme qui lui est cher. Comme The Loser in the End de Queen II, il y parle de révolte adolescente et de chaussures ! Le morceau est un pur rock'n'roll plutôt inspiré, peut-être le plus réussi du batteur qui n'aura pas toujours autant d'inspiration. Le rythme est très accrocheur et donne envie de jouer de la guitare (même mal) pour faire chier les voisins. Difficile de résister au refrain soutenu par une batterie plus puissante que jamais. Bon, Queen cache mal ici son admiration pour Led Zeppelin, mais il faut reconnaître que ça en vaut la peine.

   Flick of the Wrist fait penser aux premiers morceaux du groupe, aggressif et arrogant comme pouvaient l'être The March of the Black Queen ou Great King Rat sur les prédécesseurs de l'album. On y parle de castrer sa dignité humaine ou de disloquer ses vertèbres. Le chant de Freddie Mercury est presque méconnaissable lors des couplets, plus rocailleux et grave que d'ordinaire, conférant à la chanson un ton malsain plutôt rare chez le groupe.
  Mais soufflez à présent car Lily of the Valley vient apporter une bouffée d'air frais à l'album. La chanson est brève, constitué majoritairement de la voix de Mercury sur un simple piano accompagné par vagues des fameux choeurs à trois voix. Délicat, léger et un peu mélancolique, le contraste avec la chanson précédente est sciemment élaboré.
  Now I'm Here est un morceau très populaire du groupe et il sera le plus joué lors de leur concerts, durant toute leur carrière. Il consiste en un riff très simple décliné en de multiples réverbérations sur lequel se pose la voix démultipliée de Freddie Mercury, un hard rock plutôt classique et efficace aux tonalités proches des hymnes rock que composeront plus tard les membres du groupe. La chanson a un certain charme intemporel, ceci explique peut-être que le groupe ne semblera pas s'en lasser à l'avenir.
   In the Lap of the Gods est un étrange morceau, surtout après celui qui vient de s'achever. Freddie Mercury le considérait comme l'ancêtre de Bohemian Rhapsody (oui, nous parlerons un jour de cette chanson, bientôt) et il est vrai qu'elle partage son incongruité. La voix du chanteur y est encore une fois plus grave qu'à l'accoutumée, déformée et étrangement ralentie, comme filtrant à travers une brume épaisse. Elle filera bien vite dans les aigus, escortée par les cris perçants d'un Roger Taylor motivé, mais conservant sa teinte iréelle, franchement bizarre.
   Stone Cold Crazy explose ensuite. Franchement, et en toute honnêteté cet album nous a déjà donné à entendre pas mal de choses différentes, mais il parvient encore à nous surprendre dés les premières notes de ce morceau. Ni plus ni moins qu'un rock échevelé, très énergique, ancêtre tout à fait reconnu du speed-metal et du thrash-metal, à l'origine avouée de pas mal de vocations (Metallica ou les Guns N' Roses -encore- ne diront pas le contraire) c'est un morceau sans temps mort, d'une durée de 2'14 pas plus, qui nous est offert ici. Le riff de Brian May est irresistible et Freddie Mercury fanfaronne avec un plaisir non dissimulé. Il s'agit par ailleurs du premier morceau attribué à l'ensemble des membres du groupe qui le co-signent.
   Dear Friends apaise les esprits. Il s'agit d'un morceau très court, Freddie Mercury s'y montre à nouveau subtil, sa voix posée sur un piano et accompagnée par des choeurs discrets. C'est un nouveau moment de délicatesse, oui, délicatesse, dans un album de Queen, oui.
   Misfire est une composition de John Deacon, sa première sur un album du groupe. C'est une chanson assez légère et fraîche, aux tonalités soul correspondant à son amour immodéré de la Motown. Elle s'égraine joyeusement et fait preuve d'une originalité certaine, même au sein de cet album qui n'en manque pas.
    Bring Back That Leroy Brown ne nous fera pas mentir quant à cette originalité. Nous avons à faire là à un morceau retro, où le piano, le ukulele-banjo, la contrebasse et la voix aux accents de music-hall nous plongent dans une ambiance tout à fait décalée. Les choeurs y sont désuets, les mots employés également, si bien qu'on croirait la chanson taillée pour les gramophones.
 She Makes Me (Stormtroopers in Stilettos) au titre étrange est une composition de Brian May qui en chante les paroles. Le ton est à la mélancolie, à l'amertume peut-être et la chanson s'achève sur une cacophonie de sons New-Yorkais soutenus par une respiration difficile et forcée.
 In the Lap of the Gods...Revisited conclut avec brio un album foisonnant. La voix de Mercury y est encore une fois parfaitement juste, légèrement affectée mais pas encore grandiloquente, elle donne à ce morceau  l'ampleur qui en fera assez vite un hymne lors des concerts du groupe. Le refrain est irresistible et prélude quelque part les chansons comme We Are The Champions, mais de façon bien plus subtile et poignante. La toute fin de la chanson ressemble à une explosion, sans doute celle du groupe qui franchement ne devait plus en pouvoir de tant d'efforts de créativité sur un même album !


   Ce n'est pas pour rien que Sheer Heart Attack est souvent considéré comme le meilleur du groupe et comme un album incontournable pour qui s'intéresse au rock. Hétéroclite, les morceaux s'y succèdent pourtant sans le moindre heurt, se payant même le luxe de s'enchaîner directement d'un bout à l'autre. Il s'agit du premier vrai succès commercial de Queen, ce qui n'occulte pas une valeur artistique indéniable. Le groupe assume ses choix avec insolence et ça fonctionne à merveille. Il pose également les fondations de quelque chose de plus ambitieux encore...quelque chose qui se passera la nuit et à l'opéra. (Ceci est une subtile transition vous allez voir). En cela il est comparable quelque part à l'album Hunky Dory de David Bowie qui laissait présager le monument qui le suivit, The Rise and Fall of Ziggy Stardust.

Important : Personne ne joue de synthétiseur sur cet album et Freddie Mercury n'a toujours pas de moustache.

20120122

Master Marathon Queen-Queen II 1974


Notre Master Marathon Queen se poursuit avec :

                                                                                         Queen II.

   Cet album paraît en 1974, sa couverture noire laisse deviner les visages solennels des membres du groupe. La pose est très étudiée et immortalisée par Mick Rock, photographe incontournable de cette époque, auteur de clichés emblématiques de David Bowie, Lou Reed ou Iggy Pop. Ainsi Queen montre sa volonté de s'inscrire dans cette mouvance glam-rock en pleine apogée ainsi que celle de se mesurer à ces icones de la moitié des années 70. La composition leur sera si chère qu'ils la réutiliseront plusieurs fois, y compris dans le vidéo-clip de Bohemian Rhapsody.


 Cette fois, le groupe n'a pas envie de jouer les contrebandiers de studios et l'album est enregistré plus sereinement, laissant la place à un peu plus de plannification, d'où un concept simple mais étudié : l'album ne comportera à l'époque ni face A ni face B mais une face Blanche et une face Noire. Ainsi Brian May, guitariste/chanteur se charge du côté blanc (aidé par ses copains quand même, même s'il chante plusieurs chansons), porté sur l'émotion, tandis que Freddie Mercury s'empare à lui seul de la face noire, marquée par l'évocation des rêves et d'une certaine...ben, noirceur.


   Procession ouvre l'album. La batterie y est une pulsation et la guitare déroule le tapis rouge ou blanc pour le reste des réjouissances avec son acidité caractéristique.
  Father to Son est la première vraie chanson de l'album, elle est de Brian May, mais c'est Freddie Mercury qui se colle au chant. Il s'agit d'une chanson plutôt douce dans sa forme, parlant de façon métaphorique de la transmission du père au fils. Elle débute sur des notes aigrelettes et légères qui s'enflent en un bref hard-rock jamais très offensif mais bienvenu.
  White Queen (As it Began) continue la face blanche de façon très évidente. (Mais quel titre pourra illustrer au mieux la face noire ? La réponse sera-t-elle une surprise ?) Sur un ton fort mélancolique, Freddie Mercury, relativement subtil (!), chante les mots de Brian May, évoquant cette Reine Blanche aussi majestueuse que désespérée, sur une mélodie aux tonalités presque médiévales. Les choeurs à trois voix en surimpression s'y déploient pour de bon. Trois voix ? Mais ils sont quatre ? Il faut préciser que John Deacon (son prénom et son nom sont revenus à une place usuelle moins classe) a toujours considéré sa voix comme horrible, on ne l'entend donc jamais chanter sur aucune chanson d'aucun album du groupe.
   Some Day One Day est une autre composition de Brian May, cette fois c'est le guitariste qui chante. Sa voix n'est pas désagréable, si elle n'a pas l'originalité de celle de son ami Mercury, elle laisse tout de même paraître une certaine sensibilité. La chanson est dans le même ton que Father to Son le ton y est léger quoique emprunté et teinté d'optimiste. Les guitares y sont également subtiles et aériennes.
   Mais  The Loser in the End ramène les choses à un niveau plus terre à terre. Le morceau parle des relations fils/mère, est chantée par Roger Meddows Taylor (toujours avec son "middle name" plus classe) et se montre nettement plus aggressive. Le batteur a une voix plus abrupte que Brian May, le rythme de la chanson est très marqué heavy-blues, ce qui conclut plutôt bien la face blanche.

Les choses se corsent avec Ogre Battle. Le morceau commence brutalement par un amalgame de voix au son fluctuant suivi d'une entrée tonitruante de la guitare de Brian May en un proto-thrash accrocheur. Le tout stoppe assez net pour laisser à Freddie Mercury le soin d'entamer cette chanson qui ressemble à une fable farfelue où les ogres s'affrontent en un combat sans merci. Les paroles décrivent la puissance des combattants de façon imaginative (l'un attrape des mouches avec sa langue). Difficile de savoir où le chanteur voulait en venir. Il en reste un morceau dynamique et entrainant qui se fond directement, par son thème et son style, dans le morceau suivant.
The Fairy Feller's Master-Stroke. Alors, le thème de cette chanson est simple. Un bûcheron féérique se propose de casser une noix sous les yeux avides de tout un peuple de créatures improbables comme une libellule trompettiste, Obéron et Titania du Songe d'une Nuit d'Eté ou un satyre. La chanson s'inspire en réalité d'un tableau aux détails foisonnant, du peintre Richard Dadd, que Freddie Mercury aimait beaucoup.
La musique, elle, est échevelée, le chant rapide et bondissant, Freddie Mercury ne semble jamais reprendre son souffle. Si elle peut se montrer déconcertante, cette chanson est un beau morceau d'originalité.

   Nevermore est la chanson suivante. C'est une chanson simple, loin des extravagances de sa précédente, juste Freddie Mercury au piano pour un morceau mélancolique et assez élégant.
  The March of the Black Queen. Voilà qui remet les pendules à l'heure (et offre ainsi son titre à la face noire, quelle surprise !). Il s'agit d'un nouveau morceau à tirroir, typique du groupe à l'époque, à l'intérieur duquel se bousculent plusieurs styles et plusieurs ambiances. On y a droit à : de la chansonnette nunuche au piano, du hard-rock franc jeu, du music-hall débridé et une marche proprement dite. C'est confus, il y a de la voix trop aigüe pour être honnête mais ça marche ! Il y a là encore presque tout ce qui fera plus tard la fameuse Bohemian Rhapsody. Reste à trouver une façon plus cohérente de lier tout ce fatras.
   Funny How Love Is est une brève chanson, légère et ironique, teintée d'un peu de fantaisie. Elle rappelle Nevermore, ces deux chansons encadrant en fait The March of the Black Queen.
   Seven Seas of Rhye est le premier vrai succès de Queen. Ce morceau reprend celui qui concluait le premier album au titre d'intro avant de se dérouler en 2'48 de façon plutôt délirante à la façon de la plupart des chansons de cette face. Les thèmes y sont aussi fantaisistes qu'obscurs : on a un titan, un "master marathon" (aaaaaah ouiiii), un être surhumain qui toise ses rivaux avec arrogance et finalement tout ça se termine par un fondu sur une chanson populaire des années 1900 I do Like to be Beside the Seaside, comme entendue de l'extérieur d'une taverne, ce qui parachève l'esprit second degré de la chanson et de l'album entier.

   Même s'il paraît sombre et grave, cet album fait tout sauf se prendre au sérieux. L'humour n'était pas très présent dans Queen I, il fait ici ses premières percées, et c'est un élément qu'il faudra toujours garder à l'esprit pour comprendre le groupe. Plus élaboré que son prédécesseur, Queen II ouvre la voie du succès au groupe qui n'a plus besoin de grand chose pour exploser au visage du grand public. Ca ne va plus tarder.

Important : Personne ne joue de synthétiseur et Freddie Mercury n'a pas encore de moustache.

Master Marathon Queen-Queen 1973

  
  Il est de bon ton d'utiliser ses oreilles parfois alors votre zombie se lance dans la rédaction de quelques articles sur des albums qui lui ont particulièrement plu ou qui l'ont marqué pour une raison ou une autre. Nous inaugurerons cette catégorie par un marathon duquel nous ne sortirons peut-être pas vivants, le Master Marathon Queen !
   Ce groupe est à peu près connu de tous, du moins pour ses morceaux emblématiques, We Will Rock You, Bohemian Rhapsody, A Kind of Magic, I Want to Break Free, c'est pourquoi il n'est pas question ici d'établir une chronique formelle, ni une critique élaborée, comme il peut s'en trouver partout sur internet ou dans des livres bien plus documentés que ce pauvre blog. Nous allons plutôt parcourir la bonne quinzaine d'albums du groupe sur un ton détaché, navigant au gré des morceaux sans véritable nécessité de vous apprendre l'histoire derrière telle ligne de basse, telle phrase ou telle tenue de scène trop près du corps. Nous n'évoquerons pas non plus l'histoire du groupe, sa formation ou les aventures extra conjugales de ses membres, toute notre attention se portera sur les albums et les chansons. 
  Il faut ajouter avant de commencer que votre zombie a découvert ce groupe alors que son oreille avertie se formait encore, à l'adolescence, si bien que parfois, ses commentaires pourront paraître orientés, subjectifs ou carrément de mauvaise foi. Il faudra faire avec, peut-être cela vous donnera-t-il par ailleurs, un nouvel éclairage sur ce groupe sur lequel tout semble avoir été dit.
 
  Commençons donc maintenant avec :


                                                                           Queen.
  
    Parue en 1973 cette pochette violacée est celle du premier album du quatuor. Composé dés lors de Freddie Mercury : chant et piano, Brian May : guitare, piano et chant, Deacon John : basse (son nom précède alors son prénom pour faire plus classe) et Roger Meaddows-Taylor : batterie et chant (il inclut alors son "middle name" pour faire plus classe), le groupe ne changera jamais, même si des musiciens supplémentaires viendront parfois se greffer à leur formation.
   L'album aurait été enregistré plus ou moins à la sauvette, profitant des temps morts des autres groupes pour aller enregistrer au plus vite dans les studios de Trident, à Londres, ce qui explique peut-être le côté un peu brouillon, disons urgent,  qui le caractérise.
  Les  10 morceaux qui le composent sont pourtant déjà très aboutis, le groupe les avait soigneusement répétés avant les enregistrements éclairs, ils oscillent entre un hard-rock très ancré dans son époque, un glam-rock assumé et quelques bizarreries vocales chères à Freddie Mercury.




  La première chanson, Keep Yourself Alive est une excellente entrée en matière. Première chanson du premier album, premier single également, c'est un morceau qui contient déjà une bonne partie des ingrédients que nous retrouverons dans de nombreux morceaux à venir : guitares acidulées et même un peu biscornues, énergie soutenue, chant de troubadour haut perché et arrogant. Tout ça en un premier morceau qui finalement résume bien le son du groupe durant ses premières années. En fait, inutile de poursuivre puisque tout est dit dans ce premier morceau. C'est donc la fin du marathon.
   Bon, pas tout à fait.
   Le groupe enchaîne avec Doing All Right, morceau qui débute comme une balade un peu innocente pour se muer ponctuellement en hard rock, les aller-retour entre douceur et énergie sont assez fréquent dans le paysage du groupe, Freddie Mercury n'a pas froid aux yeux et il n'hésite pas une seconde à monter dans les aigus, (on ne parle pas des tenues trop serrées on a dit) au contraire, et Brian May n'a pas peur de le suivre avec sa guitare bricolée.
   Great King Rat est la chanson suivante. Elle est soutenue par un rythme martial, enchaîne les paroles irrévérencieuse et un peu obscures. C'est un morceau plutôt représentatif de l'album, par l'expression de son urgence et son côté un peu bancal.
   My Fairy King, un titre pas très viril s'il en est. Ici la voix haut perchée de Freddie Mercury évoque une sorte de royaume féérique peu à peu corrompu, peuplé de chevaux ailés, d'abeille sans string (erreur d'impression ?), de lions gentils comme tout et de dragons rien de moins ! Tout ça est un peu naïf mais ne manque pas de charme.
   Liar est une chanson à tirroirs. Elle passe de la balade au glam, nous balance un pont franchement hard-rock qui suit un genre de gospel (plein d'hypocrisie) avant une fin plus fluide. Tout ceci ressemble peut-être à un tableau mal défini et confus, mais, mine de rien, ce sont un peu les germes de Bohemian Rhapsody qui sont semés ici et là.
   L'album continue avec The Night Comes Down, morceau apaisé avant la déferlante à venir :
   Modern Times Rock'n'Roll ! Même pas peur, la couleur est annoncée. Ce morceau est extrêmement bref (1'48), il détonne avec le reste de l'album qui est pour sa part plutôt alambiqué. Il présente une guitare survoltée et un chant qui n'est pas en reste, celui de Roger (Meddows) Taylor, décidé à relever le défi de qui chantera le plus aigu à certaines occasions. Même s'il n'est pas le morceau le plus mémorable du groupe, ni même de l'album, il pose sans en avoir l'air certaines bases du thrash-metal, et inspirera sans doute quelques Guns N' Roses, au hasard.
  Son and Daughter est une sorte de heavy-blues qui lorgne assez du côté de Led Zeppelin, Queen n'a jamais très bien dissimulé son admiration pour le groupe. Efficace malgré tout avec la présence, quasi traditionnelle à cette période de leur carrière, de choeurs à trois voix.
 Jesus. Rien que ça ! Chanson un peu lancinante, la première de Queen au sujet d'une célébrité, (la prochaine sera John Lennon bien, bien plus tard.) elle alterne entre passages à la rythmique très appuyée et d'autres plus légers, un peu naïfs, sur le thème de Jésus. Bon.
  Enfin, Seven Seas of Rhye termine l'album avec sa cascade instrumentale menée par le piano de Freddie Mercury. Il s'agit d'une ébauche d'une autre version au même titre, qui apparaîtra en conclusion de l'album suivant. Ceci révèle assez bien l'urgence de l'album, le morceau est très bref et inachevé.

 Au final, cet album n'est pas des plus accessibles, mais il représente tout à fait le son du groupe pour nombre d'années à venir. Il contient surtout énormément de pistes lancées vers des oeuvres plus abouties et plus marquantes.

 Important : Il ne comporte pas de synthétiseur, comme précisé dans les notes du livret, et Freddie Mercury n'a pas encore de moustache.