20120303

Master Marathon Queen-Flash Gordon (original soundtrack music by Queen) 1980

 
   Il arrive un moment dans la vie d'un homme où il est temps de faire face à son destin sans flancher. Oh, il est facile de se détourner de sa voie, de se laisser persuader que le moment opportun va venir, il est tout près, mais pas encore là, il est tentant de se trouver des excuses, de proposer de multiples prétextes évasifs. Pourtant, ici, nous allons prendre notre courage à deux mains, se moquer du danger et se lancer dans l'une des tâches les plus périlleuses que l'on ait à affronter dans notre courte existence : la rédaction d'un article sur Flash Gordon de Queen.


    
   Flash Gordon, l'album paraît fin 1980, au moment de la sortie du film du même nom. Les années 80 voient la science fiction remporter un succès immense au cinéma. Elle emprunte des formes différentes, de l'aventure avec Star Wars (1977-1983), de l'anticipation noire dans Blade Runner (1982), de l'action mêlée de paradoxes temporels dans Terminator (1984), de l'humour mêlé aussi de paradoxes temporels dans Back to the Future (1985-1990), ou encore de l'horreur dans l'espace où on ne vous entendra pas crier dans Alien et ses suites (1979). Chacun de ces films apporte une nouvelle dimension au genre, apportant sa touche personnelle empruntée à un ou plusieurs autres styles. Flash Gordon, de Mike Hodges est quant à lui issu du genre space-opera, auquel le réalisateur et son équipe apporteront une dimension kitsch rarement égalée. Il faut garder à l'esprit que lorsque le film est sorti, Rencontres du Troisème Type, Star Wars ou Alien avaient déjà eu leur influence sur la façon de concevoir une oeuvre de science-fiction, Flash Gordon balaie toutes ces conceptions. Il les regarde avec mépris, les piétine, crache dessus, nie jusqu'à leur existence avant de planter fièrement son étendard jaune dans le corps meurtri de ses adversaires. Hum. Dans l'idée, le film est l'adaptation sur grand écran des aventures d'un héros de comics du même nom, datant des années 30 et ayant connu un grand succès populaire. Flash combat l'empereur Ming au travers de nombreux épisodes aux rencontres multiples et originales dans de lointaines galaxies. L'oeuvre de 1980 dépeint donc ces aventures, avec un esthétisme douteux, fait de fonds bleus mal employés, de costumes qui semblent fabriqués à partir de décorations de Noël et d'effets spéciaux vraiment spéciaux. L'acteur principal, Sam J. Jones promène sa coiffure blonde peroxydée et sa musculature mise en valeur par des tenues moulantes rouges et or dans des décors en carton pâte aux côtés d'hommes volants (avec des câbles), de princesses aguicheuses (Ornella Muti) et se bat comme un vrai quaterback. Tout ici respire le kitsch comme jamais, et un certain côté crypto-gay (pas trop crypto) comme on n'en verra plus avant le Batman et Robin de Schumacher. Bon, et Queen dans tout ça ?




   Et bien Queen a eu l'insigne honneur de se voir confier la tâche monumentale de créer la bande originale de ce film !  Le groupe vient de publier The Game au succès retentissant et il se voit donc courtisé par la production du film pour en réaliser la musique. Selon le groupe lors des interviews, ils réaliseront l'album assez rapidement, en composant la musique à mesure qu'ils regardaient le film, calquant les morceaux sur l'action en cours, soulignant les débardeurs très près du corps par leurs plages de synthétiseur dont ils useront copieusement tout au long de l'album.
   Il y a de quoi dérouter bon nombre de fans, surtout ceux de la première heure. Ici, le synthétiseur est mis en avant comme jamais, les titres chantés ne sont qu'au nombre de 3 sur 18 (et encore, le troisième est une reprise du premier en guise de conclusion) et surtout, tout cela n'a rien de commun avec un album de Queen.
  Le morceau d'ouverture, Flash's Theme, obtiendra un certain succès néanmoins, malgré ses paroles limités, il laisse libre cours à Freddie Mercury pour d'impressionnantes vocalises. Il atteint des notes aigües comme il ne le fera quasiment jamais plus et son débit est d'une rapidité et d'une précision sans faille. La pulsation rythmique implacable qui sous-tend le titre le rend mine de rien très accrocheur. Le morceau est cependant, dans sa version album, encombré de savoureux extraits de dialogues.
 A travers les différents morceaux, plutôt courts, qui composent la bande son, on sera bercés avec joie par des nappes interminables de synthétiseurs, de bruits de pistolets laser (ptiouuu !) et de bruitages du film. Le groupe s'attèle parfaitement à sa tâche de coller un maximum au film, on ne peut pas lui retirer ça. Seulement est-ce vraiment un album écoutable en soi ?
   In the Space Capsule (The Love Theme) est un peu plus subtil qu'il n'y paraît, on y ressent malgré tout l'enrobage synthétique une réelle volonté de bien faire. Brian May semble avoir réussi à imposer sa patte sur ce morceau de Roger Taylor et peut-être que dans un autre contexte il auait pu en sortir quelque chose de très beau. Le suivant, Ming's Theme (in the Court of Ming the Merciless) a quelque chose de kitsch et en même temps menaçant qui une fois encore colle tout à fait au thème imposé par le film.
  Le morceau Football Fight est assez entrainant, il se calque sur le risible combat du héros armé d'un gros oeuf de pâques qui lui sert de ballon contre les gardes à dorures de l'Empereur Ming. Si les synthétiseurs sont bien là, il y a tout de même une energie rock dans ce morceau qui garde pourtant des allures des générique télé de l'époque.


   La suite reprend les ambiances du début de l'album, poursuivant jusqu'à The Kiss (Aura Resurrects Flash) où Freddie Mercury nous flatte de ses vocalises, sans paroles, nous rappelant qu'il est encore là et qu'il reste un brillant interprête. Encore une fois il est intéressant de se demander si dans un autre contexte, le morceau n'aurait pas pu trouver une place de meilleur choix.
   Les morceaux s'enchaînent dans leur déluge d'effets spéciaux, Arboria (Planet of the Tree Men) de John Deacon se développe autour d'un thème au son flûté évoquant le mystère de la planète en question (où des hommes au sang vert et porteurs de MOUSTACHES ont une notion inflexible de l'honneur et mettent leur bras dans des grosses plantes carnivores mal faites). Flash to the Rescue reprend la pulsation du thème du héros après les ambiances menaçantes de Escape from the Swamp (par menaçant on entendra que les notes du synthétiseur y sont plus grâves).
  Arrivent enfin Vultan's Theme (Attack of the Hawk Men) et Battle Theme, aux ambitions plus épiques qui marquent certaines des scènes les plus risible du film avec une plétore de fonds bleus et de transparences mal gérées ! Rappelant un peu Football Fight par le côté énergique de ses morceaux, les deux thèmes s'enchaînent dans un feu d'artifice synthétique difficile à prendre au sérieux.
   The Wedding March reprend le morceau bien connu de Wagner à la sauce Brian May. Et cela fonctionne plutôt bien, nous rappelant les grandes heures de A Night at the Opera avec sa conclusion par un God Saves the Queen à la guitare electrique. C'est une assez bonne surprise à ce moment de l'album et une touche d'humour bienvenue ainsi que d'un retour comme une bouffée d'air pur de cet instrument plus proche des racines du groupe.
  A partir de là tout va très vite, il ne reste plus qu'à peine plus de 4 minutes avant la conclusion de l'album. Là, s'enchaînent thème du héros, bruitages d'explosions pas très convaincantes, pistolets lasers à n'en plus pouvoir (piouu, piiiouu !), montées épiques pas trop épiques non plus à travers Marriage of Dale and Ming (and Flash approaching), Crash Dive on Mingo City et Flash's Theme Reprise (Victory celebrations).
 L'album se conclut par l'autre chanson donc, The Hero, et c'est avec bonheur que nous retrouvons un peu de ce qui a fait le succès du groupe jusqu'à présent. La guitare est bel et bien là, Freddie Mercury paraît très motivé (d'en finir avec cette aventure spatiale ?) et tout cela constitue un morceau qui n'a rien de très mémorable mais qui n'en reste pas désagréable. Il constituera la face B du single Flash's Theme et sera même repris sur scène par le groupe lors des tournées avec une certaine efficacité.




  Que conclure de l'écoute de cet album de Queen qui n'en est pas vraiment un ? Peut-être ceci justement. Si l'on aborde Flash Gordon comme un album du groupe alors il n'y a pas grand chose à en garder. Deux morceaux chantés plutôt efficaces, quelques touches sympathiques éparpillées dans un magma synthétique mal maîtrisé... Cependant, si l'on regarde l'album comme un exercice de style, le premier essai d'un groupe à la composition d'une bande son, et bien le résultat n'est pas si négatif que ça. En tant que musique "fonctionnelle", devant souligner l'action d'un film (et quelle action !) alors il remplit parfaitement son contrat. Il aura fallu pas mal de courage au groupe pour composer des morceaux devant s'inclure à un tel monument du kitsch, et si le but est effectivement de rendre une version sonore de l'ambiance du film, alors c'est tout à fait réussi. Par ailleurs, certains éléments de l'album sont d'une étonnante subtilité, le chant de Mercury dans The Kiss ou la guitare de May dans In The Space Capsule n'auraient sans doute pas trouvé leur place sur des albums du groupe et leur ont permis d'exprimer des aspects plutôt rares de leur créativité. Disons que dans le meilleur des cas il aura s'agit pour le groupe de nous dévoiler certains aspects inexplorés de son univers, dans le pire, il s'agit d'une sorte de longue musique d'ambiance donnant l'impression que Queen s'est amusé à s'enregistrer pendant qu'il testait tous les effets de son nouveau synthétiseur.
  Le succès ne sera pas vraiment au rendez-vous, ni pour le film, ni pour le groupe, Queen sera déçu de cette expérience tout autant que leur fans qui exprimeront régulièrement leur rejet de cet album. L'expérience du groupe avec le cinéma ne s'arrêtera pas ici pour autant, quelques années les séparent de leur prochaine incursion dans ce monde à travers le film Highlander. Le succès attendra donc quelques années, d'autant que le groupe livrera prochainement un autre album très controversé, Hot Space.