20120429

Master Marathon Queen-The Works 1984




    Il a fallu à Queen deux ans pour se remettre de l'album précédent, Hot Space. Les tensions qui venaient d'apparaître on dû s'appaiser, les projets solos se matérialiser pour qu'enfin le groupe réalise qu'il est plus fort uni que dispersé. La page disco/funk/dance est tournée et Queen revient à une approche plus conventionnelle et plus proche de son ancien ton, une approche plus rock néanmoins largement plus teintée de pop qu'à ses débuts. The Works indique que Queen s'est effectivement remis au travail afin de fournir un album qui contentera bien plus ses fans et qui avec un peu de chance élargira même leur base en conquérant les ondes.
                 The Works.





    1984 est une année particulière, mais pas forcément dans le bon sens. C'est l'avènement du clip vidéo, MTV est en train de devenir une institution, Ghostbusters cartonne au cinéma, les épaulettes et les cheveux peroxydés sont à la mode...Tous les clichés des années 80 se trouvent cristallisés à merveille dans cette année, pour le meilleur et pour le pire. Beaucoup d'artistes comme David Bowie, qui publie cette année là Never Let Me Down, sans conteste son plus mauvais album, sont au creux de la vague. C'est par ailleurs l'année du triomphe de Prince avec son titre/album/film Purple Rain.
   En cette année Orwellienne, Freddie Mercury participe à une ressortie du film Metropolis de Fritz Lang, remaniée par Georgio Moroder qui, jugeant peut-être l'oeuvre poussièreuse (ah les années 20 quelle bande de nuls, ils n'avaient même pas de Macintosh ces rustres ! Nous en 1984 au moins...) décide d'agrémenter sa version de compositions d'artistes de l'époque dont Adam Ant, Bonnie Tyler, Pat Benatar et notre moustachu. Certains n'ont pas vraiment la notion d'oeuvre historique, néanmoins cela permet à Freddie Mercury de négocier l'utilisation d'images du film (dont il est fan) pour un futur clip du groupe.

   Et c'est pour supporter la sortie de Radio Gaga que seront utilisés quelques plans du film original à travers les vues de la ville futuriste dépeinte par Fritz Lang. La chanson en elle même est un morceau de Roger Taylor, jugeant Radio Caca trop idiot et trop peu universel, il déplore ici la perte de vitesse de la radio face à la vidéo de plus en plus envahissante. Les chansons ne sont plus alors découvertes par le seul passage radio, elles ont désormais besoin d'un support visuel accrocheur pour faire vendre des disques, ce ne sont plus vraiment les qualités musicales d'un groupe qui sont jugée, mais plutôt, selon lui leur image à travers des clips les plus attrayants possibles. L'intention est louable et le message est plutôt pertinent. Mais alors pourquoi en faire une chanson si marquée par le synthétisme ? Radio Gaga rassemble apparemment tout ce que le groupe comptait comme synthétiseurs, effets spéciaux (enfin pas tous nous verrons un peu plus tard) et boîtes à rythmes. Nous avons à travers le titre une vision assez claire de ce que pourrait être la musique de futur...de 1984. Le refrain entêtant est aussi pénible qu'efficace. Alors que le thème aurait pu donner un témoignage émouvant d'un homme regrettant le bon vieux temps de la radio où l'on découvrit ébahi de nouveaux sons venus de nulle part, et bien nous avons droit à un des morceaux les plus marqués dans les années 80 du groupe et sans doute un des plus fatigants à l'écoute. Il sera cependant un succès incontesté du groupe, ravivant la flamme auprès des fans et de tous ceux qui avaient jugé leurs précédents efforts trop éloignés de leurs morceaux habituels, ce qui est finalement assez étrange et paradoxal.
    Tear it Up  rattrape le coup. Brian May reprend les armes en nous livrant un morceau nettement plus rock, comme le groupe avait semble-t-il oublié d'en faire depuis un moment. La batterie rappelle évidemment We Will Rock You et le riff agressif ne manquera pas de faire se remuer les foules lors des concerts. C'est un morceau mené tambour battant, au sens propre qui montre que le groupe est tout à fait capable de revenir à sa pugnacité d'autrefois, rappelant par son mordant le morceau Tear Your Mother Down du même Brian May par exemple.
   It's a Hardlife est la première chanson de Freddie Mercury à apparaître sur cet album. C'est une chanson douce amère sur la difficulté des relations amoureuses tout à fait comme Play the Game sur l'album... The Game  ou Jealousy sur Jazz rappelant les morceaux des premières années du groupe, où on trouvait un Freddie Mercury ambigu, à la voix haut perchée mais maîtrisée accompagnée par un piano ou par une guitare compatissante de Brian May. La chanson prend de l'ampleur au fur et à mesure jusqu'à prendre des dimensions à nouveau baroques lors du solo de Brian May qui ne manquera pas de nous rappeler Bohemian Rhapsody. Marquée à la fois par un thème intimiste et une ambiance grandiloquente, cette chanson évoque en tous points les meilleurs moments du groupe, ou du moins ses plus emblématiques. It's a Hardlife semble étrangement perdue au milieu de cette pop taillée pour les radios de l'époque à l'instar de la vidéo qui l'accompagne. Il s'agit d'un clip étrange, kitsch à un point qu'on pensait hors d'atteinte et qui finalement résume tout à fait le style du groupe même si Freddie Mercury semble être à nouveau le seul dans son élément à en croire les commentaires que feront les autres membres. Il y est dépeint une cour bariolée de créatures baroques et extravagantes incluant Freddie Mercury vêtu du costume surnommé "giant prawn" (oui la crevette géante) par le groupe.
   
   La chanson évolue depuis une certaine mélancolie vers une porté plus proche d'un hymne. Il y a en elle une sorte de bilan plus général que celui d'une simple relation amoureuse, on peut la voir comme un bon résumé du parcours de Queen ou de Freddie Mercury, assumant ses erreurs éventuelles mais affirmant tout de même ses succès.  Bien qu'ancrée dans les atmosphères passées de Queen, la chanson trouvera un écho plus tard dans des albums comme Innuendo et même Made in Heaven dont elle partage certaines des atmosphères. A noter, l'introduction "I don't want my freedom..." est chantée sur l'air d'opéra (ah ouais !) Vesti la Giubba  de Ruggiero Leoncavallo dans Pagliacci.


   Man On the Prowl est une nouvelle incursion de Freddie Mercury dans la sphère rockabilly, comme il l'avait fait avec un surprenant succès avec Crazy Little Thing Called Love sur The Game. Malgré tout cela ne prend plus vraiment. La chanson est trop répétitive et ses percussions ont trop la teinte générale de l'album, froide et mécanique, pour coller réellement à l'exercice de style. On sent néanmoins un certain enthousiasme dans la voix de Freddie Mercury, rendant un nouvel hommage à son idole Elvis.
   Machines (or '"Back to Humans") est une collaboration signée Brian May et Roger Taylor, pour le meilleur et un peu aussi pour le pire. Très proche de Radio Gaga par son thème et sa forme, Machines est encore plus marquée par...euh...les machines. Sa pulsation régulière en forme de bruit de pistolet laser n'aurait pas dépareillé dans Flash Gordon malgré une présence plus marquée quand même des guitares. Le chant de Freddie Mercury rappelle également celui qu'il avait sur Flash's Theme mais il est cette fois adjoint de celui de Roger Taylor qui a trouvé un nouveau jouet ! Un super vocoder lui donne une voix de robot qui lui permet de répéter le mot "machines" à de très nombreuses reprises ainsi que d'entonner un couplet entier avec cet effet. Les paroles quant à elles expriment une inquiétude face à la domination des machines (prononcer avec une voix de robot) proche du Domo Arrigato Mr Roboto de Styx paru un an plus tôt. Elles incluent plusieurs termes provenant des balbutiement de l'informatique comme "software", "hardware" ou "Random Access Memory". Tout cela est certes très cohérent mais la chanson est au mieux très drôle, au pire très pénible à écouter.
   I Want to Break Free est un autre des morceaux emblématiques de Queen et c'est John Deacon qui en est l'auteur, ce qui après le succès de Another One Bites the Dust prouve son efficacité ! La chanson est très célèbre et encore aujourd'hui il est difficile de ne pas tomber dessus en écoutant la radio régulièrement. Il s'agit d'une sorte de ballade pop assez sucrée, presque simpliste et à la limite de la comptine. Cela ne la rend que plus efficace et il est très difficile de s'en débarrasser lorsqu'elle vous rentre dans la tête. Freddie Mercury cabotine tant qu'il peut et semble réellement s'amuser sur ce morceau. L'atmosphère robotique de l'album y est perceptible mais elle reste en retrait et sert le morceau au lieu de le vampiriser. Le succès sera au rendez-vous en grande partie grâce à un clip mémorable qui comporte, parlons-en, une parodie de la sitcom anglaise Coronation Street, permet aux membres du groupe de se travestir en quatre femmes d'âges différents. John Deacon y est une grand-mère renfrognée, Brian May une femme parée de bigoudis et vêtue d'une robe de chambre, Roger Taylor y apparaît en une écolière étrangement convaincante par ses mimiques (et ressemblant étrangement à Emma Bunton des Spice Girls aussi) tandis que Freddy Mercury, qui a l'air très content d'être là, passe l'aspirateur en tenue sexy, mini-jupe, bas et faux seins, toute moustache dehors. Pour en revenir à la musique, Brian May se taille une part de choix dans le morceau en plaçant un solo de guitare déguisé en trompette. La chanson, qui parle de relations amoureuses mais peut être envisagée sous un jour plus général, sera utilisée à plusieurs reprises à diverses occasions servant d'hymnes à de nombreuses organisations allant des associations gays et lesbiennes à l'ANC de Nelson Mandela.




   Keep Passing the Open Windows est une chanson que Freddy Mercury avait écrite pour le film Hotel New Hampshire en 1983, elle a subi quelques modifications pour mieux s'intégrer à l'album. Majoritairement dominée par le piano et les synthétiseurs, la chanson rappelle curieusement la chanson The Hero qui concluait Flash Gordon et certains effets font également penser au Prime Jive de Roger Taylor sur The Game. Le thème est un peu naïf, encourageant à la confiance en soi et en l'amour mais cela ne rend pas la chanson totalement désagréable, lui donnant une certaine fraîcheur un peu absente des albums de Queen depuis quelques temps.
   Hammer to Fall  est en opposition totale avec le morceau précédent. Il est signé par Brian May, est orienté rock à l'instar de Tear it Up et bénéficie d'un riff teigneux et efficace. Après l'inquiétude de la montée en puissance des machines, c'est la guerre froide et l'ombre du nucléaire ("the Mushroom Cloud") qui est évoquée. Les percussions de Roger Taylor y sont une fois de plus assez mécaniques mais cette fois, cela se prête admirablement au morceau, renforçant son aspect incisif et énervé. Malgré tout, le chant admirable de Freddie Mercury, accompagné par le choeur comme à la "bonne vieille époque" donne à la chanson une teinte universelle et fédératrice, l'expédiant immédiatement au rang des meilleurs hymnes du groupe et faisant de Hammer to Fall un incontournable en live où elle sera interprétée avec encore plus d'énergie. Les fans sont rassurés, Queen est encore capable d'offrir d'excellents morceaux rocks, il était plus que temps de le rappeler. Ce genre de titre ramène le groupe sur le devant de la scène après plusieurs essais décevants.
   Is This the World We Created...? conclut l'album d'une façon inatendue. Après le très rock Hammer to Fall et un album globalement marqué par des productions très travaillées et pleines de gimmicks synthétiques, c'est une chanson simple,  oeuvre de Freddie Mercury et Brian May, portée par la voix de Mercury et une guitare acoustique, c'est tout. Il y a dans cette chanson une atmosphère intime très proche de Love of My Life (à laquelle elle est par ailleurs couplée lors du Live at Wembley de 1986 par exemple). L'atmosphère froide, propre aux années 80 qui baigne tout l'album cède ici place à une chaleur humaine bienvenue. Alors, certes, les paroles ne sont pas vraiment très subtiles et suintent un peu de naïveté, néanmoins, le timbre chaleureux et plus grâve qu'à accoutumée de Freddie Mercury adjointe à la guitare subtile de Brian May nous offrent un morceau touchant qui nous remémore donc les morceaux intimistes des débuts. C'est donc une conclusion en total opposition à Radio Gaga qui récompense chacun de ceux qui auront écouté l'album en entier (même s'il n'est pas très long).


    Clairement, The Works est très marqué par la volonté de Queen de tout mettre sérieusement en oeuvre pour non seulement reconquérir son public, mais aussi gagner une dimension plus universelle. Le rock est donc de retour, dans une forme efficace et abordable, et la pop y est absolument décomplexée. Les titres de l'album seront par ailleurs presque tous édités en singles (les autres seront des faces B) et sont tous taillés pour les radios. Les clips sont également objet de plus d'attention ainsi que l'image du groupe qui à cette époque acquiert la dimension iconique reconnue par le grand public. Freddie et sa moustache, Roger Taylor blond et ébouriffé, John Deacon frisé et coloré (et en short aussi) pendant que Brian May conserve sa tignasse coûte que coûte. Ce sont des détails qui créent pourtant une image bien plus commerciale qu'auparavant : sur ce point c'est une totale réussite.
   Musicalement il faut reconnaître que Queen s'en sort plutôt bien. L'album est porté par quelques excellents morceaux dont It's a Hard Life, Tear it Up, I Want to Break Free, Hammer to Fall ou même Is This the World We Created ce qui quand on y regarde bien fait un peu plus de la moitié des titres. Les réussites de The Work sont néanmoins les titres les plus proches des bases du groupe ce qui révèle leur volonté de produire un album de qualité. Les autres morceaux, au mieux oubliables, au pire atroces plombent un peu l'ambiance d'un album qui aurait pu être un sans faute. Ceci laisse donc un constat mitigé, puisque l'album laisse une étrange impression de froideur due en grande partie à sa production très marquée années 80. De tout ce que nous offre l'année 1984 The Work s'en sort en tout cas plutôt bien lorsqu'il sait éviter les écueils énorme de cette période. C'est celui qui sur de nombreux points représente le mieux ce qu'est Queen pour le grand public, ce en quoi il peut décevoir les amateurs de la première heure (mais beaucoup seront rassurés après la déception Hot Space). Il obtiendra de bonnes critiques à sa sortie et est reconnu encore de nos jours comme un classique de l'époque.

20120425

Master Marathon Queen-Hot Space 1982

     
    L'expérience Flash Gordon achevée, c'est avec une certaine impatience que nous pouvons attendre le retour de Queen aux commandes d'un véritable album et non plus d'une bande son bricolée pour un film au succès mitigé. Au sein du groupe, des tensions sont apparues, les intérêts musicaux de ses membres divergent de plus en plus et c'est le moment également du développement de projets solo sur lesquels nous ne nous étendrons pas pour l'instant. Les concerts par contre sont par contre toujours plus gigantesques, le groupe s'aventurant même en Amérique du Sud, chose peu courante à cette époque. Le succès populaire est là depuis l'album The Game et la notoriété de Queen est désormais mondiale en dépit de critiques plus mitigées. L'album Hot Space apparaît dans ce contexte, le groupe semble donc reprendre le cours normal de son existence et nous pouvons nous attabler tranquillement autour de cette nouvelle production, le coeur rassuré de nous retrouver en terrain connu.



                                                                       Hot Space.


    Le coeur rassuré, pas vraiment en fait.
    Sous une pochette aux couleurs tranchées inspirée apparemment par le jeu de jeu de Simon (avec une inversion que les plus observateurs remarqueront), se cache un album vraiment étrange dans la discographie du groupe. Il semble que le groupe se soit lancé à corps perdu à travers tout un album dans une exploitation du succès total de Another One Bites the Dust. Queen abandonne son style hard-rock/pop-rock pour aborder un style qui a priori ne lui sied pas, Hot Space est une sorte de mélange disco-funk/new-wave/pop synthétique, et oui, synthétique. Oubliés les solos de Brian May au style baroque, oubliés les roulements de tambour de Roger Taylor et bienvenue aux synthétiseurs les plus débridés accompagné de leur lot de boîtes à rythmes encore peu développées à l'époque et donc très stéréotypées. Le constat est rapide, cet album n'a rien  à voir avec le reste de la carrière du groupe et la déception des fans de la première heure comme la volée de bois vert en provenance de la critique seront au rendez-vous. Généralement, et si l'on exclut Flash Gordon de la discographie canonique de Queen, Hot Space et considéré comme le pire album du groupe, tout simplement. Tout cela est-il justifié ou avons-nous là une oeuvre incomprise ? Penchons-nous sur les morceaux afin de peut-être trouver une réponse.




   Staying Power ouvre le bal avec son cortège de synthétiseurs outranciers et ses cuivres étrangement artificiels. Le rythme marqué et dansant est caractéristique de l'album dont il constitue une introduction tout à fait représentative. Ce morceau suffit presque à faire crier "TRAHISON" à l'auditeur qui ne pourra s'empêcher d'être déstabilisé par cette composition dont seul le nom sur la pochette nous rappelle qu'elle est bien de Queen. Mais sinon, est-ce si atroce ? Et bien, le morceau porte beaucoup des stigmates de son époque, les cuivres formatés et la boîte à rythme ont une artificialité difficile à surmonter. Cependant, un certain charme opère, il nous replonge dans cette époque de tâtonnement musical où l'usage des machines est encore un peu marginal et mal maîtrisé. Mieux encore, la motivation de Freddie Mercury qui cabotine avec bonheur rend cet étrange morceau plutôt efficace.
  Dancer est un morceau de Brian May, plutôt discret dans un album qui met surtout en avant le groove ainsi qu'une thématique (homo)sexuelle qui ne l'inspire que moyennement. Le morceau est pourtant tout à fait en accord avec le reste de l'album, synthétique, presque automatisé dans sa rythmique, et avant tout dansant (oui, c'est logique). Sa trame presque robotique contraste avec l'attitude très organique de Freddie Mercury qui s'en donne à coeur joie, baignant dans un univers où il semble tout à fait se (com)plaire. Alors oui, cela n'a pas grand chose à voir avec Queen et nous avons là un morceau qui fait bien plus penser aux projets solo du chanteur, néanmoins l'apport du groupe rend la chanson nettement plus efficace. Les paroles décrivent avec enthousiasme les soirées de débauche organisées à l'époque par le groupe où on aurait même vu des nains couverts de viande... (Lady Gaga n'a jamais caché son admiration pour le groupe)
   Back Chat est un morceau de John Deacon. Il joue de tous les instruments sur ce morceau à part la batterie très "poum-poum-tchak" de Roger Taylor (et son solo encore plus "poum-poum-poum"). La basse est tout à fait funky et particulièrement accrocheuse, la guitare rythmique est également incisive et nerveuse, tout autant que les petits solos répartis tout au long du morceau. Après Another One Bites the Dust, on se doutait bien des capacités du discret bassiste, il confirme ici même si le morceau n'a pas connu un succès comparable. Freddie Mercury n'a perdu en rien de sa motivation, il se montre à nouveau tout à fait dans son élément au sein d'une musique prêtant nettement plus à la danse que tout ce que le groupe avait produit jusqu'alors. L'album a beau être mal aimé, un morceau comme celui ci est parfaitement maîtrisé, si c'est un exercice de style, alors c'est tout à fait réussi. Back Chat n'a jamais été un classique du groupe, le morceau mérite d'être redécouvert.
   Body Language quant à lui n'a pas cette chance. Le morceau est de Freddie Mercury, et cette fois l'évocation sexuelle n'est plus du tout suggérée mais bombardée à tout va. Dégoulinant de sueur, la chanson évoque donc, à mots découverts le langage du corps. La basse synthétique qui le domine (avec une absence presque totale de guitare, Brian May ne devait pas se sentir très concerné, et on le comprend) évoque des mouvements de bassin qu'on n'imagine pas simplement dédiés à la danse et si un doute subsistait les paroles ne dissimulent aucunement les intentions du chanteur. Il décrit avec bonheur "the cutest ass" par ci, les "red lips" par là. Et hurle carrément un "give me your body" impatient. Alors oui, le morceau est très drôle, peut-être volontairement, mais il peut également être assez pénible à entendre, à la limite du dérangeant, un peu comme si on avait surpris le chanteur en pleine action. L'envie qui nous vient à l'écoute de ce morceau n'est pas vraiment celle qu'il semble vouloir provoquer en nous, nous aurions plutôt dans l'idée de refermer la porte et le laisser terminer...euh...ce qu'il est en train de faire.
   Action This Day n'est pas la suite directe. C'est un morceau de Roger Taylor comme nous avons l'habitude d'en entendre depuis le début de notre marathon : rythmé, répétitif et bancal également. La chanson tire un peu plus vers le rock que les précédentes, ce qui pourrait être une bonne nouvelle. En fait pas vraiment, même s'il a un côté entraînant, le morceau comporte plusieurs des défauts caractéristiques de ceux du batteur. L'humour n'est pas en reste sur tout cet album, malheureusement il cède place ici à une certaine naïveté dans les paroles. Si Roger Taylor n'est pas très à l'aise avec l'aspect synthétique de l'album (bien qu'il n'ait pas été le dernier à se jeter sur les synthés au buffet électronique de Flash Gordon) c'est au détour de ce morceau que nous nous en apercevons le mieux. A noter un horrible solo de (faux) saxophone typique de cette époque de trouble et de chaos que nous appelons avec révérence, les années 80.
   Put Out the Fire est le seul vrai morceau rock de l'album et il est très réussi. Tranchant avec les autres morceaux, la chanson exprime avec humour le point de vue d'un meurtrier accro aux armes à feu pour mieux en critiquer l'usage. Brian May aurait dit-on joué le solo alors qu'il était totalement bourré et honnêtement, cela n'est absolument pas un handicap. Il sort un peu de ses gonds trop raffinés pour livrer un morceau plus direct et particulièrement efficace. La batterie n'est pas en reste, très acérée, elle préfigure un peu ce qu'elle sera dans l'album à venir, The Works. Freddie Mercury quant à lui cabotine avec joie, toujours très en forme sur cet album où il ne cache décidément pas son plaisir. Il est d'un goût étrange ceci dit de voir que cette chanson s'enchaîne avec la suivante :
   Life is Real (Song for Lennon) est un hommage vibrant, quoique amer à John Lennon (ah oui ?) qui vient alors de mourir assassiné devant son luxueux appartement à New-York. La mort du chanteur signifie la fin d'un rêve pour toute une génération dont Freddie Mercury fait partie.  Plus qu'un éloge extatique, Freddie Mercury profite de l'occasion pour exprimer son sentiment d'injustice face à l'existence, dans un sens plus large que la mort de l'ancien Beatle. Il est assez rare d'entendre un point de vue si pessimiste dans une chanson du groupe, les paroles sont empreintes d'une rare et sincère amertume exprimant le sentiment d'injustice face à a mort d'un tel personnage. Freddie Mercury semble par ailleurs mêler son propre ressenti, évocant sa propre philosophie quant à sa façon de mener sa vie artistique et personnelle. Au milieu de tout cet artifice synthétique la mélodie au piano simple et calquée sur les morceaux de John Lennon (Mother ou Love particulièrement (Mother Love hein ?) est une sorte de parenthèse avant la reprise des hostilités, parenthèse étrange dans cet album tourné vers la danse.
  Calling All Girls reprend un peu les choses là où nous les avions laissées. C'est un autre morceau de Roger Taylor, et le premier qu'il publie en tant que single. Un single qui ne remportera pas un succès retentissant à vrai dire. Le morceau est pourtant plutôt entrainant et léger (et naïf oui) avec inclusion de scratch avant l'heure. Son clip mérite le détour tant il est kitsch et apparemment fauché, hommage à THX1138 de Georges Lucas. Le morceau est donc plutôt amusant et plus réussi que le lourdingue Action This Day. Il est bien-sûr teinté de nombreuses sonorités artificielles, mais avec moins d'appui que les morceaux du début de l'album.
   Las Palabras de Amor (the Words of Love) est la deuxième chanson à parenthèses de l'album, c'est important de le noter. Il s'agit d'une chanson destinée aux fans du groupe en Amérique du Sud, où Queen connait un succès remarquable. Le morceau est empreint de douceur, contrastant avec l'atmosphère dansante de l'album, laissant un peu présager de sa magistrale conclusion. Si la chanson est une fois encore un peu naïve, elle n'en est pas moins plus sincère et intimiste que les précédentes et ses paroles en espagnol, hommage aux fans d'Amérique du Sud donc, ne font qu'accentuer cet aspect. Le synthétiseur se fait orgue ondoyant d'un effet certes daté mais plutôt réussi. Le clip renforce alors l'idée d'hommage respectueux, déclaration d'amour éhontée, les membres du groupe y apparaissent en smoking et sans artifices...sauf John Deacon qui est venu en chemisette.
   Cool Cat était une chanson prévue pour une participation de David Bowie qui demandera son retrait, insatisfait du résultat. Collaboration de Freddie Mercury et John Deacon, il s'agit d'un morceau soul langoureux porté par la voix de fausset du moustachu. Le morceau n'a encore une fois rien à voir avec la production habituelle de Queen et contribue à la réputation calamiteuse de Hot Space. La chanson est relativement brève, ce qui n'est pas vraiment dramatique. Freddie Mercury semble vouloir jouer dans la cour de Prince, avec un succès mitigé. Disons qu'il est intéressant de le voir évoluer dans une tonalité poussée dans ses retranchements les plus aigus et que la basse un rien funky de Deacon a quelque chose d'accrocheur, mais la sauce ne prend pas vraiment.
  Under Pressure marque la première collaboration d'un artiste extérieur au groupe dans un morceau. Pour la peine l'artiste extérieur est David Bowie. Queen et David Bowie ont profité d'une rencontre en studio pour enregistrer ni plus ni moins que l'un des morceaux majeurs du groupe. L'atmosphère reste proche des sonorités synthétiques de l'album mais cette fois la ferveur de la danse laisse place à une approche plus désabusée et romantique de la musique. Le ton est relativement proche du "Heroes" désespéré de David Bowie, appuyé par une ligne de basse absolument inoubliable et incontournable (surtout par Vanilla Ice http://youtu.be/rog8ou-ZepE) oeuvre magistrale, les mots sont lâchés, de John Deacon très motivé à montrer ses compétences le temps d'un album. Le groupe partage donc le morceau avec un David Bowie en écorché vif qui apporte une subtilité personnelle à cette chanson. Les coeurs et les nappes de synthétiseurs, plus subtils que sur les morceaux précédents, ajoutent une dimension épique à la chanson qui, comme "Heroes" progresse sans se retourner, inexorablement et superbement. On a souvent reproché à Hot Space d'être un album froid et sans âme, Under Pressure utilise habilement cette atmosphère glacée et apparemment impersonnelle pour mieux nous conduire à des sommets poignants peu avant la fin du morceau, et de l'album. L'artificialité est ici adoptée, embrassée et sublimée pour devenir cet hymne intemporel qu'est Under Pressure. Il aura fallu le catalyseur de David Bowie (un catalyseur assez prestigieux oui) pour que le groupe renoue ici avec ses meilleures heures. Si le groupe utilisera la chanson très souvent en concert après sa parution, David Bowie mettra de nombreuses années avant de l'intégrer à ses set-lists.



  Alors, alors. Nous avions posé la question en introduction de notre étape dans le marathon, est-ce que Hot Space est effectivement une erreur de parcours du groupe, une incursion commerciale dans un univers disco/funk qui n'est pas le sien, un ratage total et honteux prouvant un manque total d'integrité ? Ou alors avons-nous là une prise de risque effrontée de la part d'un groupe qui cherche à puiser dans de nouvelles influences ? Et bien la réponse du zombie n'est pas très difficile à deviner. Hot Space est un objet insolite dans la discographie de Queen. Il n'en est pas pour autant le signe que le groupe a vendu son âme au diable, prêt à profiter des avantages financiers procurés par l'écriture de morceaux pour boîtes de nuits. Il est curieux de noter qu'à la même époque, Alice Cooper publiera ses albums les plus étranges, eux aussi apparemment synthétiques et éloignés de son univers habituel mais pourtant très personnels, quitte à s'éloigner d'un format facilement assimilé par la base de fans conventionnelle. Alors, alors. Hot Space nous livre pourtant un indice assez flagrant dés sa couverture colorée non ? Le jeu de Simon, les aplats colorés façon Andy Warhol ... Et si sous des abords ouvertement artificiels, plastiques et même basiques, et si Queen venait de produire un pur objet pop-art ? Peut-être que l'entreprise est maladroite, elle l'est parfois manifestement au travers de certains morceau moins inspirés, mais elle constitue une réelle démarche artistique dont la prise de risque se soldera par un échec commercial retentissant. Hot Space est également une excellente vitrine pour John Deacon dont la personnalité discrète nous a fait oublier son talent indéniable à la basse et en tant que compositeur. Son empreinte marque profondément l'atmosphère de cet album qui le met sur le devant de la scène à plusieurs reprises. Alors oui, Brian May doit retenir ses solos, Roger Taylor n'est pas très motivé et Freddie Mercury semble tout droit sorti d'un club cuir-moustache (et c'est à peu près le cas), mais Hot Space mérite de s'y intéresser de beaucoup plus près que ne vous le dirons la plupart des connaisseurs du groupe. Il faudra pourtant à Queen énormément d'énergie et de travail (!) pour se remettre en selle après la déception générale qui accueillit cet album fort mal aimé, à tous les sens de l'expression.