20120212

Master Marathon Queen-The Game 1980



   Nous y sommes, 1980, Queen a marqué la deuxième moitié des années 70 par son style flamboyant et c'est tout de cuir bardé que le groupe aborde cette nouvelle décénie.


                                                                                    The Game.


  The Game est le huitième album de Queen, il marquera une nette rupture déjà un peu amorcée avec News of the World, dans l'horizon musical du groupe. D'abord, il marque le début de l'usage du synthétiseur, chose improbable aux débuts de leur aventure, l'absence de l'instrument était même clairement proclamée dans les notes des albums ! Ici il s'étale sans vergogne, dans tous ses effets plus ou moins bienvenus, nous le verrons. Ensuite, second fait d'une importance majeure et là il suffit de feuilleter le livret de la version CD pour s'en rendre compte, ce dés la première page : là, posant comme si de rien n'était, accoudé à une balustrade de balcon, Freddie Mercury arbore fièrement UNE MOUSTACHE ! La rupture est consommée, il y aura, pour ces deux raisons (dans des mesures différentes certes mais tout de même) un avant et un après The Game.


  Play the Game est l'introduction logique à cet album. Le morceau nous accueille avec une boucle suraigüe de synthétiseur s'enchaînant sur une introduction plus conventionnelle au piano. Non mais que se passe-t-il dans cet album ? L'introduction brutale du synthétiseur dans la musique de Queen a de quoi dérouter. On aurait pu y aller par petites touches pour nous acclimater, mais non, dés les premières secondes du premier morceau, c'est un déluge synthétique qui se répand sans vergogne dans nos oreilles. Peut-être que tout cela n'est qu'une subtile manoeuvre de diversion dont le but est de nous faire oublier la MOUSTACHE, toutes les théories se valent. En tout cas ça n'a guère fonctionné car, si jadis les fans de Queen lançaient des fleurs au chanteur durant les concerts, à partir de là ce seront des rasoirs qu'ils lui enverront, témoignage désespéré du rejet violent de cette nouvelle pilosité faciale explicite. Bien, qu'en est-il de la chanson ? A vrai dire il s'agit d'une ballade de Freddie Mercury, tout à fait classique finalement, qui traite de l'extrême complexité des rapports amoureux et de la part de jeu qu'ils comportent. Le synthétiseur ne fait finalement qu'ajouter une dimension un peu étrange au morceau ainsi qu'une certaine froideur, bon, il n'est pas tout à fait nécessaire avouons-le mais il a quelque chose de ludique (facile) qui colle au thème. On dirait un peu que le groupe s'est trouvé un  nouveau jouet pour être honnête.
  Dragon Attack est un morceau de Brian May dominé cependant par la basse de John Deacon qui nous fait ici une belle démonstration de son talent. Le morceau est assez dépouillé, le chant de Freddie Mercury, presque a-capella alterne avec la mélodie principale lors des couplets où la basse prend son ampleur. John Deacon nous gratifie même d'un solo de basse très réussi, un brin funky, vers la fin de la chanson. Cette chanson aurait sa place sur l'album Hot Space à venir pour son côté dansant qu'on n'avait encore jamais trop entendu chez Queen. Enfin en parlant de ça...
   Another One Bites the Dust est le morceau qui synthétise le mieux ce nouvel aspect du groupe. John Deacon signe ici, ni plus ni moins, qu'un des morceaux les plus réussis de Queen et presque tout seul. Le bassiste, discret, refusant de chanter la moindre note, recycle une ligne de basse de Chic pour la rendre autrement plus menaçante, joue de tous les instruments pour la peine, s'adjoignant les services tout de même de Brian May pour le solo riche en effets spéciaux et de Roger Taylor pour le petit solo de batterie, pour pondre ici le plus grand succès commercial du groupe ! Le morceau sera classé numéro 1 dans diverses catégories (y compris la catégorie black music aux USA (!)). Freddie Mercury n'est pas en reste pour autant, il remplit ici son rôle à merveille, menaçant, arrogant et très motivé. La basse est absolument implacable, la rythmique imparable, presque martiale mais irrésistiblement dansante. La guitare rythmique, de John Deacon donc, est funky à souhait, s'autorisant quelques fioritures au milieu de cette mécanique bien huilée (comme Freddie Mercury dans certains clips). La partie de guitare aux multiples effets de Brian May n'est pas aussi envahissante sur ce morceau que dans Get Down Make Love par exemple et apporte une dimension étrange mais bienvenue à la chanson par ailleurs très carrée et qui ne comporte curieusement pas de synthétiseur. La structure de ce morceau est un modèle du genre, rien n'est en trop et rien ne pourrait être retiré sans rendre l'édifice bancal. Quelque part John Deacon offre ici à Queen son morceau le plus formellement abouti, et sans doute le plus efficace. S'il emprunte bel et bien au groupe funk Chic, sa rythmique sera par la suite revampée avec respect par The Clash dans le morceau Radio Clash. La légende dit que c'est Michael Jackson qui aurait par ailleurs conseillé au groupe d'utiliser la chanson comme single. Le choix est judicieux, il faut le reconnaître, et il est assez impressionnant de se dire que c'est bel et bien le même groupe qui a publié quelques années plus tôt Bohemian Rhapsody avec lequel il ne semble avoir aucun lien de parenté. Ces deux morceaux sont pourtant le meilleur moyen de se représenter l'éclectisme du groupe ainsi que sa faculté à produire des morceaux universels dans deux styles apparemment radicalement opposés. Another One Bites the Dust est un jalon aussi important que la Rhapsody dans l'univers du groupe, une réussite tout aussi significative et un morceau incontournable dans l'histoire du rock, ni plus ni moins. John Deacon aurait pu nous prévenir avant de nous lâcher face à cette création. (A noter également que lorsque le refrain de la chanson est joué à l'envers sur une platine, aucun message caché n'apparaît, ce serait idiot et personne n'a attendu la publication de ce single pour fumer de la marijuana.)



   Need Your Loving Tonight est un autre morceau de John Deacon. Cette fois encore ce sera un single, cependant il n'aura pas un succès à l'ampleur comparable au morceau précédent. Il s'agit d'un morceau pop rock plutôt classique, agrémenté de guitares bien senties. Le ton est assez enjoué et c'est sans doute la chanson la plus légère de l'album.
   Crazy Little Thing Called Love arrive alors comme une excellente surprise. C'est une chanson que Freddie Mercury aurait écrite dans son bain. Prendre un bain semble donc être un excellent moyen de renouveler sa créativité puisque de tous les genres effleurés par Queen, le rockabilly a étrangement été ignoré. Le mal est réparé avec cette chanson qui n'est rien de moins qu'un rock'n'roll tout à fait classique, executé avec un plaisir non dissimulé par le groupe. Le morceau est donc l'oeuvre du chanteur qui signe aussi les parties de guitare rythmique accoustique ce qui est une grande première. Lors des concerts ils ironisera souvent sur le fait qu'il soit un piètre guitariste avant d'attaquer les premiers accords du morceau. Freddie Mercury signe ici un hommage à Elvis, une de ses idoles, tout en offrant au groupe un succès retentissant tout autant qu'inatendu avec cette chanson bien loin des influences habituelles du groupe. Les choeurs, ici de nouveau présents, prennent une forme étrangement désincarnée et presque fantômatique.
   Rock It (prime jive) semble de par son titre emboîter le pas de la chanson précédente (rien à voir avec le morceau de Herbie Hancok pourtant pas avare en synthé ), et effectivement ses premières notes avec une guitare retro le laissent penser. Pourtant, le morceau de Roger Taylor n'a rien du rock'n'roll des origines qu'il prétend être. Alors que Freddie Mercury entonne l'intro, c'est le batteur qui se charge du reste dans un morceau assez lourdingue, aggrémenté de synthétiseur très très années 80. Alors certes, le message est qu'on peut injecter du bon vieux rock'n'roll dans un morceau moderne, mais le résultat n'est pas vraiment un bon exemple pour soutenir cet argument. Les éléments synthétiques sont on ne peut plus kitsch et difficiles à prendre au sérieux aujourd'hui tout comme le chant de Roger Taylor qui n'est pas ici des plus inspirés. Le tout ne manque pas d'énergie ni de conviction, juste que cela tombe un peu à côté.
  Don't Try Suicide nous ramène à des sonorités plus traditionnelles, presque jazzy avec une basse proéminente et des claquements de mains marqués qui font un peu penser à une tentative d'intimidation tirée de West Side Story. La chanson de Freddie Mercury est une invective bourrée d'humour noir dans le but d'empêcher un geste inconsidéré de son interlocuteur. Les arguments exposés ne sont pas ceux qu'on emploierait devant une telle situation ce qui procure un charme décalé à la chanson qui, si elle ne restera pas comme une des compositions majeures du groupe, reste un excellent morceau.
  Sail Away Sweet Sister est un morceau assez typique de Brian May lorsqu'il est en mode sentimental. Il s'adresse dans cette ballade à la soeur qu'il n'a jamais eu (comme mentionné dans les notes du livret). C'est un morceau assez mélancolique, façon amour eternel mais incompris, soutenu par le piano de Mercury et une guitare accoustique raffinée et virtuose. La chanson s'adresse à une soeur fugueuse, à qui Brian May assure son amour inconditionnel. A moins que. A moins qu'il n'y ait un autre sens. Si on prend pour acquis le fait que le guitariste n'ait pas de soeur peut-on se demander si la chanson ne s'adresserait pas à quelqu'un d'autre ? Les paroles évoquent des choix difficiles et irrémediables mais acceptés sans conditions par le guitariste. Et si la chanson ne s'adressait pas à une fille du tout ? Et si en fait elle enjoignait juste quelqu'un d'autre à braver les forces hostiles et assumer sa nouvelle vie ? Est-il tout à fait idiot de penser que le guitariste parlerait ici du coming-out de son chanteur ? Freddie Mercury vient tout juste de se laisser pousser la moustache  (nous l'avons vu il me semble) et c'est à cette période qu'il se met à fréquenter les milieux gays avec asssiduité. Est-ce que Brian May n'évoquerait pas à mots voilés cette situation, déclarant son total soutien à Freddie Mercury ? Ce n'est pas tout à fait impossible. Relire les paroles dans cette optique est assez troublant.
   Coming Soon est une nouvelle chanson de Roger Taylor, décidément assez envahissant. Le morceau est assez proche de Rock It de par son synthétiseur omniprésent, de sa rythmique lourde, et de son côté tout à fait kitsch. Le chant est assuré par Freddy Mercury ce qui sauve un peu la donne ce coup ci.
   Save Me renoue un peu avec la tradition du groupe. Il s'agit d'une ballade de Brian May, au ton désespéré mais qui se change peu  à peu en un morceau plus ample, à dimension d'un hymne. Freddie Mercury chante les paroles d'une façon très inspirée qui nous rappelle ses facilités indéniables. Le morceau est plutôt classique pour Queen et il obtiendra un succès notable. Il sera également un morceau de choix lors des concerts du groupe de par sa dimension universelle, ceci malgré un thème pourtant assez tragique.

  Alors ? Est-ce qu'il fallait en faire tout un plat ? Oui il y a bien des synthétiseurs dans The Game et pas des plus discrets, et oui il y a aussi de la moustache. En fait, plus que l'introduction du synthétiseur, The Game est marqué par l'entrée du groupe dans une nouvelle phase. Queen abandonne ici peu à peu le hard-rock pour prendre une direction nettement plus pop. La base de fans du début se sentira trahie, l'album n'a plus rien à voir avec les envolées lyriques d'antan. The Game est cependant l'album le mieux vendu du groupe aux Etats-Unis et c'est par lui que Queen prendra la dimension mondiale qu'on lui connait et c'est par lui qu'il acquierera une toute nouvelle base de fans. Le résultat est mitigé, certains morceaux sont de pures réussites, Another One Bites the Dust en est la plus belle illustration, tandis que d'autres ont peine à émerger surtout selon les standards habituels du groupe. Il était évident que pour obtenir cette nouvelle dimension populaire, le groupe aurait à faire certaines concessions, certains ne les pardonneront pas (moustache y comprise), mais il aura également pris quelques risques, avec succès, les résultats le prouvent. The Game est donc une réussite pour le groupe, il obtiendra d'ailleurs un accueil assez chaleureux à sa sortie, ses morceaux de bravoure font en effet largement oublier ses maladresses inévitables de toutes façons lorsqu'un groupe décide aussi nettement d'effectuer un virage dans son orientation musicale.

Master Marathon Queen-Jazz 1978




      Depuis son premier album, Queen a évolué, le style du groupe s'est peu à peu affirmé jusqu'à exploser au grand jour dans un déluge baroque puis s'est canalisé au tournant de 1977, s'adaptant à de nouveaux codes pour gagner en accessibilité, ce avec plus ou moins de bonheur. Le titre de l'album qui paraît ce mois d'octobre 1978 est trompeur, en effet, Jazz est l'un des albums les plus rock du groupe.

                                                                                    Jazz.

   Jazz est un album de transition pour le groupe, il sera la dernière vraie oeuvre flamboyante et chamarée du groupe avant longtemps. Il est également à mi chemin entre les deux succès commerciaux que sont News of the World et The Game, ne comporte pas non plus de morceaux aussi emblématiques que ses prédécesseurs et successeurs et sa pochette est plus minimaliste que jamais. Pourtant, tous ces aspects ne font pas de Jazz un album mineur, bien au contraire.

  Mustapha sert d'introduction à l'album, il s'agit d'un rock aux tonalités venues d'un Orient de pacotille. Peut-être est-ce là un rappel humoristique des origines parsis de Freddie Mercury, toujours est-il qu'il est inutile de chercher à traduire les paroles qui sont pour la plupart faites d'un amalgame d'arabe approximatif et de simple yahourt. Le morceau n'en est pas moins entrainant et efficace, marque par des guitares incisives de Brian May en grande forme sur tout l'album.
   Fat Bottomed Girls vient nous le prouver, la chanson pleine d'humour de Brian May est une évocation inatendue de son amour pour les grosses fesses, ni plus ni moins. Le morceau en soi est un heavy-blues à la rythmique très appuyée par un Roger Taylor qui, lui aussi, semble très en forme sur cet album. Original dans le fond comme dans la forme, le morceau à l'ambiance exagérément macho est très attachant et Freddie Mercury s'en donne à coeur joie dans la narration de cette histoire d'amour universel pour les fesses volumineuses et leur propriétaires.
   Jealousy vient calmer les ardeurs avec son ton nettement plus intimiste. Il s'agit d'une ballade douce amère de Freddy Mercury accompagné par Brian May qui a bricolé pour l'occasion sa guitare red-special à l'aide de cordes à piano afin de lui donner un son proche du sitar. Cette chanson rappelle les premières heures du groupe par son maniérisme délicat.
  Bicycle Race nous ramène cependant à des considérations plus terre à terre. La chanson à la forme d'un dialogue où Freddie Mercury répond au choeur avec un phrasé plus parlé que chanté. C'est un morceau assez étrange dans sa structure plutôt originale dans le paysage musical du groupe. Il est amusant d'y remarquer de nombreuses références culturelles de l'époque comme "Jaws" ou le récent "Star Wars". Faisant preuve d'un engagement rare, Freddie Mercury oppose à toutes les stimulations évoquées dans la chanson son unique passion pour le cyclisme ! Attention, il y a peut-être une allusion sexuelle là-dessous, d'autant que les Fat Bottomed Girls y réapparaissent comme par magie, y compris dans le clip vidéo qui sera tourné pour promouvoir ce single au grand desarroi des loueurs de vélos qui exigeront un dédommagement pour remplacer toutes les selles. (Ah ai-je oublié de mentionner que le clip mettait en scène des dizaines de jeunes femmes nues sur des bicyclettes ?) Le morceau est marqué par son passage à la sonnette de vélo qui précède le pont instrumental mené par un Brian May, qui comme souvent est à fond sur la pédale. (votre zombie va boire un verre d'eau et revient en meilleure forme).
  If You Can't Beat Them est un morceau de John Deacon toujours assez à l'aise dans ce genre d'exercice rythmé et légèrement funky. La chanson est plutôt positive est enjouée, elle porte également quelques uns des germes d'un Another One Bites the Dust à venir même si les ajustements ne sont pas tout à fait au point. A noter que le solo de Brian May est l'un des plus longs de la carrière du groupe.
   Let Me Entertain You est l'un des grands moments de l'album dont il donne tout à fait le ton et l'ambiance. Freddie Mercury y apparaît en meneur de revue (en cuir), énumérant toutes les exubérances que le groupe propose à ses fans pour les satisfaire, y compris chanter en japonais comme dans le Teo Torriate de A Day at the Races. Le morceau est marqué par une rythmique puissante et un riff de guitare imparable et aggressif. Brian May se lache particulièrement tout au long de cet album, se montrant plus audacieux et spontanné semble-t-il que sur certains solos trop sages de ses précédentes composition. Nous assistons donc à un morceau de cabaret hard-rock exécuté avec talent et conviction. Le morceau trouvera une place idéale lors des concerts du groupe, s'adaptant de façon on ne peut plus cohérente à l'exercice du live. Si le morceau exprime à lui seul l'ambition de cet album, nous n'avons pas encore tout entendu.
   Dead On Time redouble d'aggressivité pour la suite des événements. Brian May prouve qu'il peut faire de réelles prouesses dans un style proche du thrash-metal dont le nom n'existe même pas encore. Le riff de cette chanson est déconcertant de virtuosité et d'efficacité et Freddie Mercury n'est pas en reste lorsqu'il déclame à un rythme des plus soutenus les paroles venimeuses de cette chanson. La rythmique n'est pas laissée pour compte, John Deacon suit de près un Roger Taylor à la batterie plus en forme que jamais, s'acquittant bien plus qu' honnorablement du duel auquel le guitariste le convie. Le batteur brille réellement sur ce titre. Le groupe entier semble être gagné par une frénésie qu'il ne retrouvera jamais sur aucun autre titre du groupe. Le solo de guitare intègre quelques éléments du riff du lointain Keep Yourself Alive peu avant que le titre lui même ne soit cité par les paroles. Il ne faudra ni plus ni moins que le tonnerre lui même (crédité au nom de dieu dans les notes de l'album) pour stopper cette furieuse machine.
  In Only Seven Days vient pourtant faire retomber le soufflet. Peut-être pas très heureusement, car même si les paroles de John Deacon qui est l'auteur de cette chanson, sont plutôt ingénieuses, elles n'en sont pas moins relativement mièvres. L'album nous avait un peu échaudé jusqu'à maintenant et cette chanson est une touche de fraîcheur qui arrive hélàs un peu trop tôt. Freddie Mercury y chante joliement accompagné majoritairement par une guitare accoustique, un piano et une basse et une batterie discrète. Décrivant un chagrin d'amour après les vacances, ce morceau semble malheureusement peu à sa place malgré sa qualité certaine.
   Dreamer's Ball de Brian May poursuit néanmoins dans cette direction apaisée, apportant sa part d'originalité. La chanson est un blues majoritairement accoustique soutenu par la guitare plaintive de Brian May. Freddie Mercury s'y pose en chanteur(se ?) de bar enfumé de La Nouvelle Orléans. Les choeurs y sont particulièrement bien orchestrés, ajoutant une ampleur et une chaleur toute particulière à ce morceau. Il s'agit d'une chanson d'amour désespérée dans laquelle l'amoureux au supplice espère retrouver l'être aimé dans ses rêves, ne pouvant l'atteindre dans la triste réalité. Ce morceau dénote par son ton de blues désuet, mais il s'inscrit dans les toutes meilleures réussites du groupe par sa sincérité et le plaisir non dissimulé du groupe à l'interprèter. Lors des concerts, il se changera en un moment de complicité entre le groupe et son public.
  Fun It est un morceau assez typique de Roger Taylor à cette époque. Rythmée et à tendance disco sur les bords, la chanson est partagée entre le batteur et Freddie Mercury qui chantent chacun leur tour. Encore une fois, les germes de Another One Bites the Dust sont présentes, mais pas encore développés d'une façon qui puisse réellement marquer les esprits.
   Leaving Home Ain't Easy est une composition de Brian May. La chanson est une ballade mélancolique toute en retenue interprétée par Brian May lui même avec un peu d'aide des choeurs. L'atmosphère du morceau est teintée d'amertume autant que de determination, les paroles évoquant le départ du foyer familial. Le guitariste est particulièrement inspiré sur ce morceau pourtant peu ambitieux, sa voix convient parfaitement au sentiment qu'il souhaite faire passer dans sa chanson, l'atmosphère intimiste qu'il y crée fait de cette chanson l'une de ses plus belles réussites du genre.
  Don't Stop Me Now ajoute un nouvel hymne pour les concerts du groupe. Freddie Mercury plus motivé que jamais commence au piano un morceau des plus entrainants et un des plus gros succès du groupe. Sans laisser retomber la pression une seconde, il déclame sa détermination contagieuse à profiter un maximum des plaisirs de la vie. La chanson reprend bon nombre d'ingrédient typiques du groupe, avec bonheur, le piano fièvreux de Mercury, les harmonies vocales à trois voix caractéristiques et un solo efficace. C'est ce morceau qui conclut au mieux l'album, résumant les ambitions festives du groupe, et donnant un aperçu fidèle de l'ambiance générale du reste du disque.
  More of That Jazz vient pourtant contredire ce fait, il s'agit en effet de la véritable conclusion de l'album, qui aurait peut-être mieux fait de s'arrêter là. Roger Taylor peine à nous faire oublier l'euphorie du morceau précédent avec son ton exagérément sombre et concerné. La rythmique y est comme souvent lorsqu'il s'agit des compositions du batteur soutenue et très marquée, aggrémentée par des touches très hard-rock de Brian May. La chose ne prend pas vraiment son envol et ce n'est pas le pot-pourri final regroupant des extraits des morceaux précédents qui viendra améliorer le résultat, au contraire, cela ne fait que renforcer l'idée que cette composition leur est nettement inférieure par comparaison directe. L'avantage est que cela nous donne l'envie de réécouter le reste de l'album.




  Jazz n'est pas l'album le plus célèbre du groupe, ce n'est pas non plus celui qui aura le plus grand succès critique (à l'époque du moins, il sera plutôt descendu en flèche) ni commercial de Queen. Pourtant, c'est assurément l'une de ses plus grandes réussites. Chacun des membres du groupe s'y montre au meilleur de sa forme, dominé par le duo May/Mercury qui rivalise de créativité et de motivation pour des résultats plus que concluants. Le morceau Dead On Time illustre bien cette complicité et cette compétitivité entre les membres du groupe qui ne ménagent pas leurs efforts pour nous démontrer de quel bois ils se chauffent. Si quelques compositions mineures parsèment l'album, elles ne sont jamais vraiment désagréables et ne font au pire que mettre en valeur les morceaux les plus ambitieux . En s'écartant du style parfois un peu dépouillé de l'album précédent, en embrassant le rock le plus lourd que le groupe ait jamais joué, Jazz renoue avec ce qui fait l'identité musicale du groupe tout en apportant quelques indices quant à son évolution à venir.


  Important :  Personne ne joue de synthétiseur sur cet album pas plus que Freddie Mercury ne porte de moustache...pourtant...

20120203

Master Marathon Queen-News of the World 1977


 Après les extravangances de A Night at the Opera et de sa suite A Day at the Races, Queen est désormais un groupe à succès. Il se trouve cependant confronté à deux problèmes : D'abord, succèder aux deux oeuvres précédentes ne va pas être sans difficulté, le groupe semble avoir grillé toutes ses munitions dans une démonstration impressionnante de son talent. Ensuite, 1977 sonne le glas de bon nombre de groupes hard-rock des années 70, le punk vient d'exploser en Angleterre, et il n'est pas facile pour les groupes chevelus et amateurs de solos à rallonge de conserver un minimum de crédibilité. Comment le groupe parviendra-t-il à se renouveler tout en survivant à la déferlante punk qui s'abat alors dans le monde musical ? News of the World est la réponse de Queen à cette question. Reste encore à voir si elle est pertinente.


                            News of the World.


   Pour bien mesurer l'enjeu de cet album et revenir sur l'importance de l'année 1977 dans le paysage musical, il faut se souvenir qu'il s'agit de l'année de l'apogée des Ramones, des débuts des Sex Pistol, des Clash ou de The Damned. La vague punk s'abat sur le monde du rock et Queen, qui n'est pas encore un dinosaure du rock, est quand même assimilé à la vieille garde des années 70. La furie des groupes punks, tout en aggressivité directe est un terrible coup pour un groupe aux mélodies flamboyantes et aux paroles extravagantes. Pour de nombreux groupes, il va falloir trouver rapidement un moyen d'évoluer pour ne pas disparaître. Queen avait enfin acquis un statut honorable au sein du monde du rock, il aurait paru ridicule et opportuniste de tenter de s'accaparer les nouveaux codes. Ceci ne veut pas dire pour autant qu'il devait les ignorer totalement, au contraire, c'est en ayant conscience du danger, que le groupe allait pouvoir formuler sa réponse.
   We Will Rock You ouvre l'album. Tout le monde connaît cette chanson. Elle a été un succès total pour le groupe, en termes de ventes de singles, de passages radio et lors des concerts. La chanson ne dure que deux minutes, elle est composée de trois couplets où Freddie Mercury redouble de morgue et harangue les foules sur des paroles de Brian May. Le refrain est proprement inoubliable quant à lui, véritable invitation en concert à scander au rythme aussi basique qu'efficace des percussions de Roger Taylor. Il est curieux de noter qu'il s'agit d'une chanson de Brian May, le guitariste aux solos tarabiscotés et parfois envahissants, car c'est une chanson concise, efficace et maîtrisée. La guitare n'y apparaît qu'en fin de morceau, pour un solo où rien ne déborde, particulièrement réussi. Il n'en faudra pas plus pour faire de cette chanson l'hymne ultime du groupe, un succès en tous points.
   We Are the Champions est le pendant inséparable de la première chanson. Encore une fois, tout le monde connaît cette chanson, on l'a si souvent entendue à la moindre victoire de la moindre équipe sportive qu'on a pu frôler l'indigestion. Toutefois, dépassé ce fait et en mettant de côté la diffusion jusqu'à plus soif de ce morceau depuis sa sortie jusqu'à aujourd'hui, les qualités de la composition sont évidentes. La mélodie alterne entre des couplets où Freddie Mercury joue la tension contenue accompagné par un simple piano et des refrains épiques et triomphants (au sens propre) portés par les choeurs démultipliés du groupe. La chanson n'aurait pas dépareillé sur A Day at the Races, son refrain avec choeurs rappelle assez des morceaux comme Somebody to Love par son ampleur. Il est inutile de rappeler que ce sera un nouveau succès retentissant.
  A ce point, en deux chansons, il paraît évident que le groupe s'en tire à merveille dans sa volonté de dépasser le diptyque A Night/A Day ainsi que dans sa volonté de ne pas se laisser abattre par ce mouvement de mutation totale du rock.
   Sheer Heart Attack serait un titre rescapé de l'album homonyme. Il s'agit d'un morceau assez bref, composition de Roger Taylor à l'energie évidente. Basique et nerveuse, la guitare reprend à son compte les codes du punk, le riff (la guitare rythmique est jouée par Roger Taylor) est sans détour et plutôt efficace. Seulement, il se trouve encombré d'effets spéciaux de Brian May qui n'apportent rien si ce n'est un sentiment d'artificialité. On peut se réjouir que le groupe n'ait pas plus tenté d'incursion dans ce domaine musical où il ne parait pas tout à fait à l'aise.
   All Dead, All Dead est une nouvelle composition de Brian May, c'est d'ailleurs lui qui chante, largement soutenu par la basse de John Deacon dans une ballade légèrement pessimiste. C'est un morceau tout en retenue, à la mélodie raffinée, ce qui une fois de plus peut être surprenant de la part du guitariste si on a oublié les jolis morceaux qu'étaient '39 ou Long Away. Le morceau n'est pas des plus mémorables mais il reste tout à fait agréable.
  Spread Your Wings est quant à lui un morceau de John Deacon, chanté par Freddie Mercury, il connaîtra un succès indéniable. Là encore il s'agit d'une ballade à la mélancolie peu à peu changée en détermination résolue. La voix du chanteur n'y est étrangement pas soutenue par les harmonies traditionnelles à trois voix, ce qui lui donne un ton plus personnel et direct qu'à l'accoutumée sur ce genre de morceau à volonté fédératrice et ample.
   Fight From the Inside est une chanson de Roger Taylor assez représentative de ses compositions à partir de cette époque. Le morceau est marqué par un rythme lourd cher au batteur qui chante de sa voix caractéritique un peu forcée. La basse y est rugissante et prépondérante, présageant quelque part les morceaux de The Game (et Another One Bites the Dust). Les refrains sont entrainants mais les couplets relativement pénibles avec ses "Hey you boy" très appuyés.
   Get Down Make Love, composition de Freddie Mercury est chargée d'énergie sexuelle clairement annoncée par son titre. Le morceau s'ouvre sur une basse au son plus synthétique que jamais alors que le chanteur nous exhorte donc de lui obéir. Dans sa première partie le son est fort minimaliste, répétitif et un peu déroutant, surtout de la part d'un groupe amateur de fioritures. L'effet We Will Rock You ne fonctionne pourtant pas ici, le morceau obtiendra un certain succès, accèdant même à un statut culte pour certains (la reprise de Nine Inch Nails en est une preuve), mais il dénote dans l'univers du groupe. Le souci arrive un peu plus tard dans le morceau, Brian May n'en peut plus de se contenir (sans doute échaudé par les propositions appuyées du chanteur) et lâche la purée d'effets spéciaux ! Tout y est, réverbération, multi-pistes (plus les échos de voix), bruitages laser et autres bizarreries qui constituent un pont instrumental pas très digeste, dans l'esprit du break de The Prophet's Song mais en bien moins réussi.
   Sleeping on the Sidewalk est un peu à l'opposé. C'est Brian May pourtant qui en est l'auteur et l'interprète sur le thème de la réussite d'un jeune trompettiste de jazz parti littéralement du caniveau. Peut-être que ce morceau aurait eu une place plus judicieuse sur l'album suivant, Jazz, de par son ambiance décalée et bluesy. Sincère, cette chanson est très agréable et laisse transparaître le plaisir du groupe à l'interpréter. A noter que Freddie Mercury n'est étrangement pas de la partie. Ce n'est certes pas le morceau incontournable de Queen mais il est une bouffée d'air frais après deux titres un peu lourds.
   Freddy Mercury est de retour avec Who Needs You, morceau qui a depuis longtemps acquis la sympathie toute particulière de votre zombie. La chanson est l'oeuvre de John Deacon, d'inspiration latino, avec un Brian May à la guitare classique. C'est de nouveau une chanson légère aux paroles douces amères portée par un Freddie Mercury au chant virevoltant et affecté qui manquait un peu au reste de l'album. Plutôt atypique, même dans une discographie aussi hétéroclyte, cette chanson ne restera pas non plus dans les mémoires comme étant le morceau emblématique du groupe. Elle a pourtant un charme indéniable, avec ses maracas, et son "Oh muchacho !" hilarant lors du solo de Brian May.
   It's Late poursuit l'album. C'est à nouveau Brian May qui en est l'auteur, exposant les doutes et les difficultés que traverse un couple dans une ballade un peu musclée sur les bords grâce à un riff assez efficace. La chanson progresse en ampleur à renforts de choeurs et d'envolées de guitare. Cela ne mène toutefois pas très haut, loin derrière des résultats bien plus convainquants ne fut-ce qu'au début de cet album même.
   My Melancholy Blues clôt l'album, elle est une pure création de Freddie Mercury, simple morceau jazzy (plus que bluesy) au piano, la chanson tranche un peu avec les atmosphères lourdes ou synthétiques du reste de l'album. Freddie Mercury y chante à merveille, semblant se complaire dans cette mélancolie qu'il évoque. L'ambiance est tout à fait celle d'une fin de soirée dans un bar enfumé des années 40, à des kilomètres de la mouvance punk de cette année si particulière. Elle nous laisse sur une note d'espoir après quelques morceaux hésitants, laissant quelque part présager des réussites de l'album à venir, dans lequel cette chanson aurait trouvé une place de choix, Jazz.



   Alors, News of the World ? Et bien cet album sera un grand succès commercial pour le groupe qui aurait pu craindre de se faire renverser de son trône par la nouvelle génération bien plus énervée. Ce ne sera pas le succès retentissant sur tous les points des deux albums précédents mais le groupe a tout de même réussi à sauver un peu plus que les meubles. Les deux morceaux d'ouverture assureront à eux seuls le succès mondial de l'album, se posant comme des classiques immédiats de la musique rock du vingtième siècle. Paradoxalement, ce sont aussi ces deux morceaux qui tirent la couverture de ce album un peu bancal, eclipsant totalement d'autres titres plus mineurs malgré quelques qualités indéniables. L'attention portée à ce duo imparable donne un peu l'impression que tous les autres morceaux n'en sont que des faces B plus ou moins agréables. Le fait frappant et important à souligner concernant les titres de News of the World est que Freddie Mercury, d'ordinaire posé en leader du groupe, se trouve en retrait total sur l'album dont il ne signe au final que trois titres. Cette relative absence est sans doute en grande partie responsable de cette impression mitigée qui domine à l'écoute de cet album. Alors oui, le groupe réussit le défi qu'il s'est imposé quant à sa pérennité, mais ce sera au prix d'une bonne partie de sa flamboyance.

Important : personne ne joue (encore) de synthétiseur et Freddie Mercury ne porte pas de moustache.