20120212

Master Marathon Queen-Jazz 1978




      Depuis son premier album, Queen a évolué, le style du groupe s'est peu à peu affirmé jusqu'à exploser au grand jour dans un déluge baroque puis s'est canalisé au tournant de 1977, s'adaptant à de nouveaux codes pour gagner en accessibilité, ce avec plus ou moins de bonheur. Le titre de l'album qui paraît ce mois d'octobre 1978 est trompeur, en effet, Jazz est l'un des albums les plus rock du groupe.

                                                                                    Jazz.

   Jazz est un album de transition pour le groupe, il sera la dernière vraie oeuvre flamboyante et chamarée du groupe avant longtemps. Il est également à mi chemin entre les deux succès commerciaux que sont News of the World et The Game, ne comporte pas non plus de morceaux aussi emblématiques que ses prédécesseurs et successeurs et sa pochette est plus minimaliste que jamais. Pourtant, tous ces aspects ne font pas de Jazz un album mineur, bien au contraire.

  Mustapha sert d'introduction à l'album, il s'agit d'un rock aux tonalités venues d'un Orient de pacotille. Peut-être est-ce là un rappel humoristique des origines parsis de Freddie Mercury, toujours est-il qu'il est inutile de chercher à traduire les paroles qui sont pour la plupart faites d'un amalgame d'arabe approximatif et de simple yahourt. Le morceau n'en est pas moins entrainant et efficace, marque par des guitares incisives de Brian May en grande forme sur tout l'album.
   Fat Bottomed Girls vient nous le prouver, la chanson pleine d'humour de Brian May est une évocation inatendue de son amour pour les grosses fesses, ni plus ni moins. Le morceau en soi est un heavy-blues à la rythmique très appuyée par un Roger Taylor qui, lui aussi, semble très en forme sur cet album. Original dans le fond comme dans la forme, le morceau à l'ambiance exagérément macho est très attachant et Freddie Mercury s'en donne à coeur joie dans la narration de cette histoire d'amour universel pour les fesses volumineuses et leur propriétaires.
   Jealousy vient calmer les ardeurs avec son ton nettement plus intimiste. Il s'agit d'une ballade douce amère de Freddy Mercury accompagné par Brian May qui a bricolé pour l'occasion sa guitare red-special à l'aide de cordes à piano afin de lui donner un son proche du sitar. Cette chanson rappelle les premières heures du groupe par son maniérisme délicat.
  Bicycle Race nous ramène cependant à des considérations plus terre à terre. La chanson à la forme d'un dialogue où Freddie Mercury répond au choeur avec un phrasé plus parlé que chanté. C'est un morceau assez étrange dans sa structure plutôt originale dans le paysage musical du groupe. Il est amusant d'y remarquer de nombreuses références culturelles de l'époque comme "Jaws" ou le récent "Star Wars". Faisant preuve d'un engagement rare, Freddie Mercury oppose à toutes les stimulations évoquées dans la chanson son unique passion pour le cyclisme ! Attention, il y a peut-être une allusion sexuelle là-dessous, d'autant que les Fat Bottomed Girls y réapparaissent comme par magie, y compris dans le clip vidéo qui sera tourné pour promouvoir ce single au grand desarroi des loueurs de vélos qui exigeront un dédommagement pour remplacer toutes les selles. (Ah ai-je oublié de mentionner que le clip mettait en scène des dizaines de jeunes femmes nues sur des bicyclettes ?) Le morceau est marqué par son passage à la sonnette de vélo qui précède le pont instrumental mené par un Brian May, qui comme souvent est à fond sur la pédale. (votre zombie va boire un verre d'eau et revient en meilleure forme).
  If You Can't Beat Them est un morceau de John Deacon toujours assez à l'aise dans ce genre d'exercice rythmé et légèrement funky. La chanson est plutôt positive est enjouée, elle porte également quelques uns des germes d'un Another One Bites the Dust à venir même si les ajustements ne sont pas tout à fait au point. A noter que le solo de Brian May est l'un des plus longs de la carrière du groupe.
   Let Me Entertain You est l'un des grands moments de l'album dont il donne tout à fait le ton et l'ambiance. Freddie Mercury y apparaît en meneur de revue (en cuir), énumérant toutes les exubérances que le groupe propose à ses fans pour les satisfaire, y compris chanter en japonais comme dans le Teo Torriate de A Day at the Races. Le morceau est marqué par une rythmique puissante et un riff de guitare imparable et aggressif. Brian May se lache particulièrement tout au long de cet album, se montrant plus audacieux et spontanné semble-t-il que sur certains solos trop sages de ses précédentes composition. Nous assistons donc à un morceau de cabaret hard-rock exécuté avec talent et conviction. Le morceau trouvera une place idéale lors des concerts du groupe, s'adaptant de façon on ne peut plus cohérente à l'exercice du live. Si le morceau exprime à lui seul l'ambition de cet album, nous n'avons pas encore tout entendu.
   Dead On Time redouble d'aggressivité pour la suite des événements. Brian May prouve qu'il peut faire de réelles prouesses dans un style proche du thrash-metal dont le nom n'existe même pas encore. Le riff de cette chanson est déconcertant de virtuosité et d'efficacité et Freddie Mercury n'est pas en reste lorsqu'il déclame à un rythme des plus soutenus les paroles venimeuses de cette chanson. La rythmique n'est pas laissée pour compte, John Deacon suit de près un Roger Taylor à la batterie plus en forme que jamais, s'acquittant bien plus qu' honnorablement du duel auquel le guitariste le convie. Le batteur brille réellement sur ce titre. Le groupe entier semble être gagné par une frénésie qu'il ne retrouvera jamais sur aucun autre titre du groupe. Le solo de guitare intègre quelques éléments du riff du lointain Keep Yourself Alive peu avant que le titre lui même ne soit cité par les paroles. Il ne faudra ni plus ni moins que le tonnerre lui même (crédité au nom de dieu dans les notes de l'album) pour stopper cette furieuse machine.
  In Only Seven Days vient pourtant faire retomber le soufflet. Peut-être pas très heureusement, car même si les paroles de John Deacon qui est l'auteur de cette chanson, sont plutôt ingénieuses, elles n'en sont pas moins relativement mièvres. L'album nous avait un peu échaudé jusqu'à maintenant et cette chanson est une touche de fraîcheur qui arrive hélàs un peu trop tôt. Freddie Mercury y chante joliement accompagné majoritairement par une guitare accoustique, un piano et une basse et une batterie discrète. Décrivant un chagrin d'amour après les vacances, ce morceau semble malheureusement peu à sa place malgré sa qualité certaine.
   Dreamer's Ball de Brian May poursuit néanmoins dans cette direction apaisée, apportant sa part d'originalité. La chanson est un blues majoritairement accoustique soutenu par la guitare plaintive de Brian May. Freddie Mercury s'y pose en chanteur(se ?) de bar enfumé de La Nouvelle Orléans. Les choeurs y sont particulièrement bien orchestrés, ajoutant une ampleur et une chaleur toute particulière à ce morceau. Il s'agit d'une chanson d'amour désespérée dans laquelle l'amoureux au supplice espère retrouver l'être aimé dans ses rêves, ne pouvant l'atteindre dans la triste réalité. Ce morceau dénote par son ton de blues désuet, mais il s'inscrit dans les toutes meilleures réussites du groupe par sa sincérité et le plaisir non dissimulé du groupe à l'interprèter. Lors des concerts, il se changera en un moment de complicité entre le groupe et son public.
  Fun It est un morceau assez typique de Roger Taylor à cette époque. Rythmée et à tendance disco sur les bords, la chanson est partagée entre le batteur et Freddie Mercury qui chantent chacun leur tour. Encore une fois, les germes de Another One Bites the Dust sont présentes, mais pas encore développés d'une façon qui puisse réellement marquer les esprits.
   Leaving Home Ain't Easy est une composition de Brian May. La chanson est une ballade mélancolique toute en retenue interprétée par Brian May lui même avec un peu d'aide des choeurs. L'atmosphère du morceau est teintée d'amertume autant que de determination, les paroles évoquant le départ du foyer familial. Le guitariste est particulièrement inspiré sur ce morceau pourtant peu ambitieux, sa voix convient parfaitement au sentiment qu'il souhaite faire passer dans sa chanson, l'atmosphère intimiste qu'il y crée fait de cette chanson l'une de ses plus belles réussites du genre.
  Don't Stop Me Now ajoute un nouvel hymne pour les concerts du groupe. Freddie Mercury plus motivé que jamais commence au piano un morceau des plus entrainants et un des plus gros succès du groupe. Sans laisser retomber la pression une seconde, il déclame sa détermination contagieuse à profiter un maximum des plaisirs de la vie. La chanson reprend bon nombre d'ingrédient typiques du groupe, avec bonheur, le piano fièvreux de Mercury, les harmonies vocales à trois voix caractéristiques et un solo efficace. C'est ce morceau qui conclut au mieux l'album, résumant les ambitions festives du groupe, et donnant un aperçu fidèle de l'ambiance générale du reste du disque.
  More of That Jazz vient pourtant contredire ce fait, il s'agit en effet de la véritable conclusion de l'album, qui aurait peut-être mieux fait de s'arrêter là. Roger Taylor peine à nous faire oublier l'euphorie du morceau précédent avec son ton exagérément sombre et concerné. La rythmique y est comme souvent lorsqu'il s'agit des compositions du batteur soutenue et très marquée, aggrémentée par des touches très hard-rock de Brian May. La chose ne prend pas vraiment son envol et ce n'est pas le pot-pourri final regroupant des extraits des morceaux précédents qui viendra améliorer le résultat, au contraire, cela ne fait que renforcer l'idée que cette composition leur est nettement inférieure par comparaison directe. L'avantage est que cela nous donne l'envie de réécouter le reste de l'album.




  Jazz n'est pas l'album le plus célèbre du groupe, ce n'est pas non plus celui qui aura le plus grand succès critique (à l'époque du moins, il sera plutôt descendu en flèche) ni commercial de Queen. Pourtant, c'est assurément l'une de ses plus grandes réussites. Chacun des membres du groupe s'y montre au meilleur de sa forme, dominé par le duo May/Mercury qui rivalise de créativité et de motivation pour des résultats plus que concluants. Le morceau Dead On Time illustre bien cette complicité et cette compétitivité entre les membres du groupe qui ne ménagent pas leurs efforts pour nous démontrer de quel bois ils se chauffent. Si quelques compositions mineures parsèment l'album, elles ne sont jamais vraiment désagréables et ne font au pire que mettre en valeur les morceaux les plus ambitieux . En s'écartant du style parfois un peu dépouillé de l'album précédent, en embrassant le rock le plus lourd que le groupe ait jamais joué, Jazz renoue avec ce qui fait l'identité musicale du groupe tout en apportant quelques indices quant à son évolution à venir.


  Important :  Personne ne joue de synthétiseur sur cet album pas plus que Freddie Mercury ne porte de moustache...pourtant...

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