20120514

Master Marathon Queen-A Kind of Magic 1986

   Queen vient de remporter un immense succès avec son album The Works, le groupe est donc officiellement remis sur les rails et son image est maintenant nettement mieux maîtrisée. C'est un peu à ce moment que Queen devient réellement une institution, la critique est certes moins enthousiaste, le grand public se rassemble autour de morceaux plus pop et mieux adaptés au format radio tout en conservant un esprit rock. Queen a également plutôt bien réussi à prendre le tournant vidéo obligatoire au milieu des années 80 et ses clips, s'ils ne sont pas tous des chefs d'oeuvre, arrivent à marquer les esprits et constituent un large bonus pour l'image du groupe. Reste à voir désormais si l'innovation continuera à suivre, ou si au contraire, fier de cette franche consolidation des acquis, le groupe se reposera sur ses lauriers.

      A Kind of Magic.


   L'échec cuisant de Flash Gordon, le film comme l'album/B.O., a décidé le groupe à ne plus jamais retenter l'expérience de la musique de film. Cependant lorsque Russell Mulcahy leur présente son film Highlander, le groupe est visiblement séduit par cette histoire d'immortel écossais (bon en vrai il est français vu que c'est Christophe Lambert) qui se bat à l'épée contre ses semblables à travers les âges dans le but d'être le dernier d'entre eux et obtenir "le prix" (the prize en V.O)  qui consisterait en une sorte d'omniscience divine. C'est toutefois avec une approche différente de Flash Gordon que le groupe aborde cet album. Cette fois il n'est pas question de composer une suite de titres exclusifs à un film et majoritairement instrumentaux, cette fois c'est une véritable album, comportant 9 vraies chanson inspirées pour la plupart par le film.
 
   One Vision ouvre l'album avec une intro étrange empreinte de nappes de synthés et de voix distordues créant une atmosphère mystérieuse avant d'ouvrir sur un riff acéré de Brian May. La chanson est signée par la totalité du groupe car il s'agissait à l'origine d'un morceau de Roger Taylor inspiré par Martin Luther King (les paroles conservent encore un peu de l'influence du pasteur à travers son "I had a dream") mais les autres membres ont tous apporté leur influence ce qui fait qu'il ne reste pas grand chose du morceau d'origine. Roger Taylor ironisera sur le fait que "ce pourri de Freddie" a complètement modifié les paroles de la chanson. Il s'agit en tout cas d'un morceau pop-rock très énergique, qui ne dépareillerait pas aux côtés des Tear it Up ou Hammer to Fall de The Works. One Vision est dans cette continuité de morceaux enlevés, au rythme très marqué et aux synthés bien apprivoisés qui sont devenus à cette époque une marque de fabrique de Queen. Les paroles modifiés par Freddie Mercury mettent en avant le pouvoir de la volonté, mais lors des séances d'enregistrement le chanteur n'aura de cesse de meubler le texte avec des énumérations absurdes apparemment issues d'un menu de restaurant chinois et de son imagination.(one prawn, one clam...one sex position) De cela il ne reste que la conclusion absurde, la chanson se terminant en effet sur la phrase "gimme, gimme, gimme FRIED CHICKEN !". La chanson est donc parfaitement efficace, preuve d'une mécanique bien huilée et difficilement ébranlable quand le groupe se concentre vraiment pour se montrer sous son meilleur jour. Le morceau sera utilisé dans le film Iron Eagle, un film d'avions de chasse pas très mémorables, cependant le fait qu'il soit employé dans un autre film ne gène en rien la cohésion de l'album dont il constitue une introduction solide.
  A Kind of Magic donne son titre à l'album et c'est l'un des morceaux les plus connus du groupe. Roger Taylor en est l'auteur et comme souvent il s'agit donc d'un morceau à la rythmique très marquée, porté par des sonorités très synthétiques et quelques effets spéciaux...sauf que cette fois, ça fonctionne vraiment. Le morceau n'est pas exempt d'une certaine classe, très entraînant et possédant une atmosphère originale. Le titre est inspiré d'une réplique du film Highlander dont la chanson constitue, dans une version arrangée, le générique de fin. A sa sortie, la chanson est soutenue par un clip mémorable dans lequel les membres du groupe apparaissent en clochards squattant un vieux théâtre qui, une fois changés en musiciens par un Freddie Mercury magicien, entament un mini-concert entourés par une bande de groupies en dessin-animé. L'esthétique est celle de la pochette de l'album où les membres sont caricaturés vêtus de costumes jaunes.
  Freddie Mercury serait responsable d'une grande partie des arrangements étranges de ce morceau de Roger Taylor, il n'en reste pas moins que le batteur signe enfin ici un des morceaux clef du groupe, efficace à souhait et directement placé au rang des incontournables du groupe.
   One Year of Love, chanson qui apparaît dans le film Highlander (dans le bar), est un morceau de John Deacon. Il s'agit d'un slow très conventionnel pour les années 80, qui n'oublie pas le traditionnel saxo de circonstance dés qu'il s'agissait de créer une atmosphère romantico-sensuelle à l'époque. Même si les paroles sont empreintes d'une certaine mélancolie, elles tombent quelque peu à plat et le morceau cumule les clichés de cette période. John Deacon nous a habitué à une certaine naïveté mais cela a toujours été contrebalancé par un grand sens de l'efficacité, ce qui n'est pas vraiment le cas ici. Brian May est totalement absent ici, cédant sa place à des arrangements de cordes et le fameux saxophone. Freddie Mercury donne ce qu'il a mais ne relève pas une chanson très banale et facilement oubliable.
   Pain is so Close to Pleasure porte de nouveau l'empreinte de John Deacon, cette fois secondé par Freddie Mercury qui co-signe le titre. C'est une chanson à l'ambiance soul, portée par des synthés clavencinants (oui madame, clavecinants !) et la voix d'un Freddie Mercury usant du falsetto comme il ne le fera d'ailleurs plus jamais désormais. Le morceau n'est encore une fois pas du tout de ceux qui restent dans les mémoires mais il a le mérite de bénéficier d'une atmosphère plutôt originale dans la discographie du groupe. Le ton est assez proche de celui de la Motown, adulée par John Deacon, et c'est, malgré son titre, un apport de fraîcheur au milieu de l'album.
   Friends Will be Friends est encore une co-signature Mercury/Deacon, et cette chanson voit le retour de Freddie Mercury au genre de balade universelle qu'il affectionnait dans les années 70. Ce type de chanson ne réapparaîtra plus vraiment dans la discographie du groupe et se rapproche de titres comme Play the Game ou surtout We Are the Champions dont elle est une copie maladroite. En effet, la chanson semble vouloir être un des hymnes qui ont fait le succès du groupe avec un message fédérateur, en réalité c'est un morceau peu inspiré, avec un solo un peu mollasson. La chanson n'est pas incluse au film ce qui est assez étonnant car elle a cette teinte années 80 qui sied assez aux productions de l'époque.
   Who Wants to Live Forever est quant à elle totalement liée au film Highlander dont elle constitue quasiment le thème principal. Création de Brian May, la chanson évoque la douleur de la perte de ses proches, d'autant plus inexorable de par l'immortalité du personnage principal du film.


Durant le morceau, le groupe est rejoint par un orchestre symphonique et des choeurs, ce qui est une première pour le groupe qui a toujours apprécié ces ambiances sans jamais sauter le pas. Le thème empreint de tragédie gagne en ampleur à mesure que progresse le morceau pour lui donner toute la dimension épique qui sied à une grosse production. Malgré ces ajouts extérieurs le style du groupe est préservé au sein d'une chanson qui se présente comme un duo entre Brian May et Freddie Mercury au chant. Alors oui, c'est un peu pompeux, le synthé en guise d'orgue, les violons, les choeurs, mais après tout c'est un peu ce à quoi Queen nous a habitués par le passé. Certes il y a dans ce morceau un peu moins de second degré (en fait il n'y en a pas tellement) que durant la période A Night at the Opera, mais le groupe réalise ici une ambition qu'il n'avait fait qu'effleurer jusqu'ici. La basse de John Deacon est absente du morceau, le rôle étant tenu par une contrebasse. Au cours du film, le morceau sera repris à plusieurs reprises dont une version instrumentale qui n'a rien à envier aux productions habituelles pour ce genre de film.
   Gimme the Prize (Kurgan's Theme) marque une rupture très nette après ce morceau. Très percussive (à tous les sens) cette chanson est une incursion heavy-metal destinée à accompagner le personnage du Kurgan dans Highlander qui est très très méchant il faut se l'avouer. On peut d'ailleurs entendre quelques unes de ses répliques au cours de la chanson qui s'ouvre sur un message d'information radiophonique tiré lui aussi du film. C'est une chanson très proche de Princes of the Universe dont elle partage la rythmique dominante. Appuyé par des effets sonores du film, la chanson nous offre un solo enlevé de Brian May qui semble plutôt bien s'identifier au thème.

Vous voyez qu'il est méchant, on dirait un membre des Misfits. (Clancy Brown, le Kurgan)


Il est rare que Queen produise un morceau aussi agressif, surtout à cette période, et s'il tranche (ah ah ah !) avec le reste de l'album il n'en est pas moins entraînant et efficace. Freddie Mercury vocifère les paroles qui rappellent un peu celles de Seven Seas of Rhye avec un cabotinage non dissimulé. Cerise sur le gâteau, au milieu de l'explosion finale, on peut entendre notre bien aimé Christophe Lambert national déclamer un menaçant "Zere can bi onli wone !" du plus bel effet !
   Don't Lose Your Head est un morceau de Roger Taylor, oui c'est un de ceux-là. Rythmique redondante, thème naïf et transposition ultra littérale du sujet du film, tout est là. A bien l'écouter elle est plutôt drôle si on passe au-delà de sa répétitivité pénible. Grâce à la voix de Freddie Mercury elle prend par moment un peu plus d'altitude, par exemple au moment du break "don't drink and drive my car..." qui rappelle un peu tout à la fois les morceaux de Roger Taylor sur The Works et le Love Kills de Freddie Mercury en solo pour Metropolis (on en a parlé dans l'article précédent vous suivez ou pas ?). Rien de très mémorable si ce n'est la voix menaçante de Roger Taylor peut-être enroué, qui répète à n'en plus finir le titre du morceau.
  Princes of the Universe clôt l'album relativement bref avec un souffle épique rarement égalé. Il s'agit de l'autre morceau attitré du film dont il constitue le générique de début (et celui de la série, oui, oui celle-là) pour notre plus grande joie. La chanson possède une rythmique très appuyée proche de celle de We Will Rock You par exemple, du moins dans son introduction qui ferait trépigner de jubilation n'importe quel ado à sa sortie. On a l'impression que la batterie de Roger Taylor (qui nous redonne d'ailleurs du choeur suraigu et fantomatique comme il aime tant -et nous aussi, allez-) fait 20m de haut tant elle est impressionnante de puissance. Les choeurs à trois voix font leur grand retour de la plus belle manière à de multiples reprises. La tension est palpable et l'énergie ne demande qu'à se déverser en un flot irrésistible. C'est exactement ce qui se produit une fois la première moitié de ce morceau à tirroirs achevée. Brian May nous offre un de ses tous meilleurs solos, échevelé et aérien, il n'a pas à rougir de la comparaison avec ses meilleures estocades des années 70. On avait un peu perdu l'habitude de ce souffle épique qui portait parfois les morceaux de Queen, Princes of the Universe vient nous raffraîchir la mémoire. Le thème s'y prète bien et Freddie Mercury est au meilleur de sa forme lorsqu'il nous invective une nouvelle fois d'une manière qui peut rappeler Seven Seas of Rhye. Queen a débuté avec des chansons empreintes d'une mythologie épique et onirique, il semble que sur cet album ces influence parviennent à refaire surface pour le plus grand bien des fans de la première heure. Dommage seulement que la chose n'ait pas été plus poussée sur le reste de l'album qui se montre parfois à la limite de la paresse. A noter dans le clip la présence de Christophe Lambert qui se joint au groupe pour se battre gentiment sabre contre pied de micro.


Freddie Mercury se sent trop fort pour porter un imper comme ses copains.


  Au final c'est un album très bref que nous livre Queen avec A Kind of Magic. S'il possède quelques moments de bravoure, ils sont malheureusement un peu noyés dans un trop grand nombre de morceaux peu originaux ou simplement pénibles. L'exercice de style est pourtant cette fois réussi puisqu'il est inutile de simplement connaître le film dont sont tirées les chanson pour apprécier l'album tel qu'il est. Les thèmes du film sont portés à une dimension plus générale et chacun pourra donc y trouver son compte. Beaucoup considèrent l'album en tant que B.O comme l'une des meilleures jamais publiées, c'est sans doute légèrement exagéré mais il faut reconnaître la qualité de morceaux comme A Kind of Magic, Princes of the Universe ou même Who Wants to Live Forever. Le regret principal que nous pouvons avoir est que le groupe ne se soit pas appliqué à ce point sur chacun des morceaux ce qui rend l'album bien trop inégal pour être une vraie réussite. Le succès sera pourtant bel et bien au rendez-vous, l'album restera classé 63 semaines dans les charts anglais et sera à la première place dés sa sortie ce qui aura de quoi redorer pour de bon le blason du groupe. Les critiques ne sont pas si élogieuses mais le groupe a appris depuis longtemps à ne pas les considérer très sérieusement.
  L'album donnera par ailleurs lieu à une gigantesque tournée, la plus importante sur tous les plans pour le groupe qui remplira stade sur stade. Le double album Live at Wembley en est le témoignage le plus probant, mettant en valeur les grandes qualités de showman d'un Freddie Mercury jouant pourtant sa dernière carte face aux foules de fans. La maladie du chanteur est alors déclarée (mais pas officiellement) et dés lors le groupe se concentrera sur ses efforts en studio, délaissant à regret la scène qui les voit pourtant donner le meilleur de leur talent.
  

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